A cinquante ans, avec son allure de cow-boy texan et sa bonne humeur permanente, le président du tout puissant Mazembe en paraît quinze de moins. Marié et père de six enfants, il mène de pair une carrière politique et de président de club de football. C’est son père, juif sépharade, qui est venu s’installer dans les années 1940 au Katanga, après avoir fui l’île grecque de Rhodes occupée par l’Italie. C’est sur les rives du Lac Moero, loin du ressac de la mer Egée, que Nissim Soriano se lance dans le négoce de poissons. Le Congo belge, son nouveau pays, lui donne aussi une épouse d’extraction royale, de la tribu bemba. De cette union naissent Raphaël, puis Moïse, le 28 décembre 1964. Le jeune Soriano(1) est un homme pressé. Très vite, il intègre la vie professionnelle après des études secondaires à la mission de Kapolewe où il décroche un diplôme d’État en pédagogie. Il prend la gérance de l’entreprise familiale dirigée par son frère aîné Raphaël et est élu président du club de football de Corbeau à l’âge de 18 ans.

Les joueurs du Tout puissant Mazembe ont été sacrés champions du Congo en 2013. Les joueurs du Tout puissant Mazembe ont été sacrés champions du Congo en 2013.

Efficace, il le fera passer de la deuxième à la première division avant la fusion avec Mazembe. Et à 21 ans, il empoche son premier million de dollars avant de créer, en 1987 – il a 23 ans – sa propre entreprise. Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille. En 1997, après la chute de Mobutu, il est contraint à l’exil. Il s’installe alors en Zambie puis en Afrique du Sud où il diversifie ses activités, de l’extraction d’émeraudes à la minoterie industrielle et au transport en passant par l’immobilier et l’hôtellerie. le retour de l’enfant prodigue Après sept ans d’absence, il rentre au pays à la demande du Président Kabila. Objectif : réhabiliter et développer le Katanga. Il est élu député, en 2006, puis gouverneur, un an plus tard, sous les couleurs du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie. Le sous-sol du Katanga regorge de richesses, de cobalt entre autres (34 % des réserves mondiales) mais les caisses sont vides et 80 % de ses six millions d’habitants vivent avec moins de 2 dollars par jour. Sitôt installé dans le fauteuil de gouverneur, Moïse Katumbi interdit l’exportation des minerais bruts, contraignant ainsi les industriels à construire leurs propres unités de transformation sur place. Puis il impose un salaire minimum de 100 dollars avant de contraindre les entreprises minières à aménager 500 hectares de terre cultivables pour répondre aux besoins alimentaires de la population. Ce n’est pas tout. Grâce aux recettes générées par l’industrie minière, il lance de vastes chantiers et la province se développe à grande vitesse : routes, hôpitaux et écoles voient le jour. La production de cuivre du Katanga passe de 800 tonnes en 2008 à 1 million de tonnes par an en 2013. Les recettes douanières, qui n’étaient que de 1,2 million de dollars, s’élèvent à 20 millions de dollars en 2010. Sur le plan éducatif, 1,2 million de petits Katangais sont désormais scolarisés contre seulement 400 000 sept ans plus tôt.

Le Tout Puissant Mazembe est devenu un des clubs les mieux structurés et les mieux gérés d’Afrique. Le Tout Puissant Mazembe est devenu un des clubs les mieux structurés et les mieux gérés d’Afrique.

Moïse Katumbi affirme gérer le Katanga comme une entreprise, n’hésitant pas à fustiger publiquement les patrons mauvais payeurs, à fermer les fours artisanaux polluants des Indiens ou, tel le Messie, à distribuer des dons aux malades, aux handicapés et aux nécessiteux. Travailleur infatigable, cela ne l’empêche pas de garder un oeil avisé sur les entraînements du TP Mazembe. La fortune de Moïse Katumbi est estimée à plus de 60 millions de dollars, engrangés principalement lors de la privatisation de la Gécamines(2) à laquelle a participé sa société MCK en récupérant 80 % des activités d’exploitation du cuivre et du cobalt. Il ne s’en cache pas. Il aime préciser que sa famille fait du business « mais pas avec l’État » et que les sociétés dirigées par ses proches ne participent à aucun appel d’offres public. Homme de pouvoir, jeune, célèbre et richissime, Moïse, comme l’appellent les Katangais, n’a pas fini de fasciner. Régulièrement attaqué par la presse, il sait les jalousies qu’il attise, lui qui a échappé à deux tentatives d’assassinat. Aujourd’hui, Moïse Katumbi confie à qui veut l’entendre qu’il ne rêve que d’une chose : retourner à la gestion de ses entreprises et de son club de foot. Mais ce serait compter sans les nombreux Congolais qui voient en lui le candidat providentiel pour succéder à Kabila, en 2016.

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