Après 20 ans de travail et 61 condamnations, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) se prépare à fermer ses portes sur un bilan en demi-teinte: une justice insuffisante, mais qui aura eu le mérite d'exister.

Au final, le Tribunal aura "quand même fait son travail" résume Bonaventure Higaniro, gardien du mémorial du génocide de Kamonyi, à une trentaine de kilomètres au sud de Kigali. L'homme aurait préféré que l'ancien maire de la commune, Jean-Paul Akayesu, premier condamné du TPIR, et les accusés suivants, soient jugés au Rwanda.

A l'époque du génocide, la localité de Kamonyi s'appelait Taba, et M. Akayesu, condamné depuis à perpétuité, était alors son édile.

"Cela aurait été mieux qu'il soit jugé ici (...) car ici les gens le connaissaient et auraient pu donner plus d'informations", glisse Bonaventure. Mais, reconnaît-il, sans le TPIR, l'ancien maire, qui avait fui en Zambie après le génocide, et bien d'autres n'auraient jamais été arrêtés.

"Ceux qui ont tenté de fuir, le TPIR a mis la main dessus, et les a jugés.", ajoute-t-il.

Créé par l'ONU en 1994, le TPIR devait fermer le 31 décembre, mais la date a été repoussée de quelques mois pour la tenue d'un dernier procès en appel.

En 20 ans, le TPIR a mis en accusation 92 personnes, surtout des hauts responsables politiques ou militaires en fonctions au moment du génocide qui, en trois mois en 1994, a fait au moins 800.000 morts selon l'ONU. 61 d'entre elles ont été condamnées, dont sept attendent encore leurs procès en appel.

Justice lente, coûteuse, mal au fait de la réalité rwandaise, pas assez proche des victimes, qui n'ont pu y intervenir qu'en tant que témoins et n'ont jamais pu obtenir réparation... le TPIR s'est attiré de nombreuses critiques.

Le Rwanda n'avait pas voulu du Tribunal sur son sol. Il était en désaccord avec son mandat, qui couvrait aussi d'éventuels crimes commis par la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) - alors menée par Paul Kagame, devenu depuis chef de l'Etat - lors de son offensive ayant mis fin au génocide.

Kigali a aussi systématiquement fustigé les acquittements qui y ont été prononcés.

Aujourd'hui encore, le procureur général rwandais, Richard Muhumuza, regrette "le petit nombre de suspects" jugés à Arusha. Et le président de l'association des rescapés Ibuka, Jean-Pierre Dusingizemungu, que neuf accusés, dont l'argentier présumé du génocide Félicien Kabuga, soient encore en fuite.

D'autres estiment qu'en ne jugeant que les responsables du génocide et aucun cadre du FPR, le TPIR - comme les juridictions rwandaises - est passé à côté du rôle réconciliateur qu'il aurait pu avoir.

Une critique que le procureur actuel du TPIR, Hassan Bubacar Jallow, balaie, expliquant avoir dû "se concentrer" sur les crimes de génocide par souci d'efficacité.