Le président turque fait sa campagne législative et espère obtenir une large majorité qui lui permettrait de poursuivre ses réformes sans être gêné par l’opposition. Le scrutin prévu ce 7 juin s’annonce déjà très difficile et l’opposition critique sévèrement le train de vie du président Tayipp Erdogan.

On évoque bien sûr son palais aux 1100 pièces qui a coûté la bagatelle de 490 millions de dollars. Le chef de l’opposition est même allé jusqu’à affirmer que le siège des toilettes présidentielles sont recouverts d’or. Erdogan, lui a aussitôt envoyé une invitation pour venir vérifier lui-même.

On ne sait pas encore si Kemal Kiliçdaroglu  le président du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) va répondre à l’invitation mais il continue sur sa lancée dénonçant « ces messieurs d'Ankara pour lesquels on a construit des palais, livré des avions, acheté des voitures Mercedes (...) et des sièges en or (pour recouvrir) les toilettes ».

En tout cas, même sans toilettes en or, un palais de près de 500 millions de dollars dans un pays où deux enfants sur trois vivent dans des conditions d'extrême pauvreté, cela fait mal. Et c’est le Centre de recherche économique et sociale de l'université de Bahçesehir (Betam) qui le dit en se basant sur une étude e l’institut de la statistique Turksat.

La campagne a lieu cette fois-ci alors que l’économie turque est en difficultés. Le chômage atteint 11%, l’inflation 8 % en 2014 et la livre turque a perdu 10 % de sa valeur depuis le début de l’année. Le déficit des comptes courants est de l’ordre de 6 % du PIB en 2014.

Et pour ne pas arranger les affaires du président, Le quotidien turc d'opposition Cumhuriyet  a diffusé des photos et une vidéo montrant des obus de mortier et des caisses de munitions dissimulés sous des médicaments dans des camions, officiellement affrétés par une organisation humanitaire, interceptés en janvier 2014 par la gendarmerie turque près de la Syrie. Ils étaient destinés aux rebelles extrémistes syriens. Une grosse affaire qui va peut-être grossir encore et déboucher sur un autre crime démocratique. Le président a promis des représailles sévères contre le quotidien. Or, l’affaire des armes a été conformée par des documents officiels publiés ensuite sur Internet montrant que les véhicules en questions appartiennent au renseignement turc (MIT). Les menaces contre Cumhuriyet vont certainement faire réagir les démocraties occidentales. le New York Times, avait déjà mis l’accent sur les «intimidations» du président turc contre la presse indépendante.

Sur un autre front, on ressort le lourd dossier de la corruption dans lequel était impliqué Erdogan lorsqu’il était premier ministre. Des communications entre lui et son fils avaient été écoutées et diffusées en public : exemple :

 

Le 17 décembre 2013, le jour où une enquête pour corruption a été ouverte inopinément contre des ministres du cabinet de Recep Tayyip Erdogan et leurs fils. Tayyip Erdogan, qui se trouve à Ankara, appelle son fils, qui

dormait semble-t-il et n'avait pas eu vent de l'agitation provoquée par

l'ouverture de l'enquête. Il est 8 heures du matin :

R.T.E. : Ils viennent de lancer une vaste opération anticorruption et ils sont en train de perquisitionner.

N.B.E. : Oui.

R.T.E. : D'accord ? Maintenant écoute-moi, quoi que tu puisses avoir chez toi, tu me le fais disparaître ! D'accord ?

N.B.E. : Qu'est-ce que je peux avoir, père ? Il y a votre argent dans le coffre.

R.T.E. : C'est de cela que je te parle ! Je t'envoie ta sœur tout de suite, d'accord ?

N.B.E. : Qui m'envoyez-vous ?

R.T.E. : Je te dis que je t'envoie ta sœur !

N.B.E.: Ah, d'accord !

R.T.E. : Assure-toi qu'elle est au courant, d'accord ? Parle à ton frère !

N.B.E. : Oui !

R.T.E. : Faisons comme cela, parle à ton oncle aussi, il faut aussi qu'il fasse le ménage chez lui, parle à ton beau-frère, il faut que lui aussi...

N.B.E. : Que doit-on en faire, père, où faut-il que je le mette ?

R.T.E. : A des endroits précis, fais-le !

Dans d'autres enregistrements transcrits ci-dessous, Bilal Erdogan

rappelle son père pour lui rendre compte de ses progrès, après avoir passé une journée à réunir des sommes astronomiques en liquide.

Cet appel a lieu à 23 h 15 le même jour :

R.T.E. : Venons-en au fait, tu as pu le faire disparaître ?

N.B.E. : Pas encore la totalité, père. Laissez-moi vous expliquer. Il reste 30 millions d'euros qu'on n'a pas réussi à faire disparaître. Berat [gendre d'Erdogan et directeur général de Çalik Holding] a eu une idée. On peut donner 25 millions de dollars de plus [au fondateur de Çalik Holding] Ahmet Çalik. Ils disent de lui donner. Et, quand l'argent sera là, on fera quelque chose, ils ont dit. Et avec le reste, on peut acheter un appartement de Sehrizar, il m'a dit. Qu'en pensez-vous, père ?