En convalescence à Bruxelles, l’opposant historique Étienne Tshisekedi annonce, une fois de plus, son retour imminent en RDC. Le leader de l’UDPS préconise également, dans son message de vœux, le rassemblement de « toutes les forces acquises au changement » pour exiger notamment la tenue des élections dans les délais constitutionnels. Pour L’Observateur du Maroc et d’Afrique, le « Sphinx de Limété » commente l’important accord d’opposition scellé à Genval la semaine dernière. Propos recueillis par Olivier Stevens 

L’Observateur du Maroc et d’Afrique. Vous avez maintes fois annoncé votre retour à Kinshasa depuis quelques mois. Il a sans cesse été reporté « pour raisons de santé ». Qu’en est-il exactement ?

Etienne Tshisekedi . Je vais mieux. Vous savez à mon âge, la santé est parfois fragile, précaire. Pour tenir mon rôle, je me dois d’être fort physiquement, apte à faire face à de multiples sollicitations, à de nombreux changements. Je préfère donc rentrer au pays lorsque je serai totalement remis et reposé, mais je rassure mes partisans, et même certains observateurs : je suis en pleine possession de mes facultés intellectuelles. A Genval, nous avons longuement veillé la nuit et nous avons soulevé de nombreux points importants aux petites heures de

l’aube ; je me suis toujours senti bien et apte à le faire.

On dit que votre absence de la capitale congolaise est aussi due à certaines intimidations de la part du clan Kabila....

C’est vrai que le pouvoir multiplie des actes inacceptables d’intimidation, de manipulation et de provocation pour détourner les nobles objectifs préconisés par le dialogue. Kabila veut perpétuer son règne et à cette fin, il utilise tous les moyens. Mais je rentrerai à Kinshasa quand le je déciderai. Pour l’instant je suis plus utile ici. Le retour est proche, soyez-en sûrs.

tshisekedi rdc

Participerez-vous au « dialogue politique » préconisé par le président Kabila ? On sait que ce « dialogue » est boudé par une bonne frange de l’opposition et de la société civile congolaise, regroupée au sein du Front citoyen 2016.

La position de mon parti, maintes fois réitérée, était de voir ce forum se tenir sous la médiation internationale, à Kinshasa, et avec comme témoin l’ensemble de notre peuple. Force est de constater que les Nations unies, auxquelles nous nous sommes adressés, afin de nous accompagner dans cette démarche par la désignation d’un facilitateur, demeurent à ce jour sans solution. Je le déplore. Je vous rappelle que je n’ai pas adhéré au Front citoyen 2016.

Je suis depuis plusieurs années le chef du camp de changement. Je prendrai incessamment l’initiative de rassembler et de canaliser les énergies de toutes les forces acquises au changement pour qu’ensemble nous puissions défendre valablement les valeurs de la République, scellées dans notre Constitution, obtenir un consensus sur un processus électoral crédible, nous impliquer dans l’organisation des élections présidentielle et les législatives dans les délais constitutionnels et dans un climat apaisé. Seul le peuple constitue l’ultime recours face aux obstacles à la réalisation du dialogue.

Le pouvoir multiplie des actes inacceptables d’intimidation, de manipulation et de provocation pour détourner les nobles objectifs préconisés par le dialogue.

Quelles initiatives allez-vous prendre pour vider le contentieux électoral de 2011 ?

Moralement, je m’estime toujours comme étant le « président élu » à l’issue de la dernière présidentielle. Je voudrais cependant que ce contentieux électoral de 2011 soit levé avant d’engager le pays vers un nouveau processus. Et pour que les élections à venir soient exemptes des tripatouillages des résultats et des violences, je plaide pour la refonte de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ce n’est que de la sorte que les scrutins prévus en 2016 – présidentielle et législatives notamment – se dérouleront dans un climat apaisé et favoriseront le transfert pacifique du pouvoir dans le respect de l’expression du peuple congolais.

Vous exigez le départ de Kabila à la fin de l’année ?

Oui. Ma position est radicale, mais c’est la seule viable pour le pays. C’est vital pour tous les Congolais. Le

« Rassemblement » exige ni plus ni moins que Joseph Kabila, au terme de son deuxième mandat, quitte le pouvoir à la fin de l’année dans les délais prescrits par la Constitution. Je suis très serein. Quelles que soient les circonstances dans lesquelles le pays va vivre, nous sommes tout près de la victoire. L’Acte d’engagement des forces d’opposition réunies au sein du « Rassemblement » prévoit d’ailleurs de faire aboutir la lutte du peuple congolais au service de l’alternance et de l’Etat de droit. Un « comité des sages » placé sous ma direction sera chargé de coordonner notre action dans ce sens.

Ce conclave de Genval jette-t-il les bases d’un programme gouvernemental ?

Jusqu’à présent, l’opposition avait échoué à former un front uni contre le pouvoir en place. Cette fois, un pas vers l’unité a été franchi, d’autant plus que des organisations de base, comme la Lucha, émanation de la société civile du Nord-Kivu, étaient aussi représentées à Genval, ainsi que le frère de Moise Katumbi, Katebe Katoto. Tous les signataires de l’accord de Genval exigent, malgré les difficultés techniques invoquées par le pouvoir, qu’une élection présidentielle soit organisée avant la fin du mandat de Joseph Kabila, le 19 décembre, et nous réclamons également la mise en œuvre intégrale de la résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui se prononçait dans le même sens.

Ne regrettez-vous pas l’absence de Vital Kamerhe, le leader de l’UNC (Union pour la Nation Congolaise) ?

Ce n’est pas très important. Après avoir été un proche du président Kabila et avoir présidé l’Assemblée nationale, il a refusé de faire le voyage car il craignait de devoir cautionner un éventuel « glissement » c’est à dire un report des législatives et des présidentielles. Vous voyez qu’il n’en est rien. Nous sommes donc plus unis que jamais