Avant de savoir si la France a un avenir en Afrique, commençons par voir si elle a su préserver son passé. Et là, la réalité du terrain n’est pas rassurante. La France qui avait ses avantages sur les marchés africains, profitant de son histoire tumultueuse avec le continent, semble revenir à des dimensions moins réjouissantes. Selon une récente étude de la COFACE, « les parts de marché à l'exportation de la France en Afrique ont été divisées par deux depuis 2000 passant de 11 % à 5,5 % l'an dernier ».

Elle perd des parts de marché presque dans tous les secteurs, avec cependant une bonne résistance dans l’aéronautique. En 2001, elle était le troisième fournisseur dans le secteur automobile, en 2017, elle n’est plus que septième. Sa part de marché est passé de 15 à 5% seulement. Pour les produits pharmaceutiques, l’Inde, qui a bien su mettre à profit les immenses possibilités du générique, a grignoté sur la part de marché de la France qui passe de 33% en 2001 à 19% en 2017. L’Inde qui ne pouvait couvrir que 5% de ce marché, a pu monter à 18%. Sur le marché des appareils électriques et électronique, l’Afrique a trouvé mieux que les produits français qui étaient bien vendus jusqu’en 2006. A partir de cette date, le recul a commencé pour atteindre 3% seulement de part de marché en 2017 contre 16% en 2001. La Chine a pris la relève augmentant sa part de 7 à 33%.

En Afrique francophone, la France a perdu 20% de part de marché. Même dégringolade du côté des machines dont la part française est passée de 12 à 6% entre les deux dates citées. La concurrence venait de Chine, mais aussi d’autres pays. Le marché alimentaire, lui non plus, n’a pas échappé au tsunami. La part de la France a beaucoup reculé au profit de l’Ukraine, de la Roumanie et de la Russie. Ces pays qui avaient 3% de part de marché en 2001, avaient obtenu plus de 40% en 2017.

Côté finance, les banques françaises qui étaient bien présentes en Afrique ont cédé le pas aux banque du continent. En Afrique francophone par exemple, deux groupes locaux dominent actuellement le marché, le groupe Ecobank avec14% de parts de marché et le groupe marocain Attijariwafa Bank avec 13%. C’est ce qui ressortait de de l’étude Banking Survey-Emerging Markets, en 2015. Sans compter les  percées grandissantes d’autres banques marocaines comme BMCE Bank of Africa et la Banque Centrale populaire.

Dans les années 80, il y avait quatre banques françaises, BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Lyonnais et le Crédit Agricole. Aujourd’hui, seules les deux premières ont pu se maintenir.

A quel avenir peut donc prétendre la France dans un continent où toutes les puissances économiques veulent avoir une place, la plus grande possible? Il y a d’abord un constat incontournable. Les pays qui ont su s’implanter en Afrique n’interviennent pas dans les affaires internes des pays concernés. Ni l’Inde, ni la Chine et encore moins la Russie ne posent la démocratie ni les droits de l’homme comme conditions à leur coopération avec les pays du continent. Business is business et donc business first. La France a des relations conflictuelles avec les pays francophones où on commence à prendre conscience de la différence entre eux et les pays anglophones au niveau du développement.

Le Franc CFA qui est de plus en plus vu comme une continuation de la colonisation, fait plus de mal que de bien à la France et les contestations deviennent de plus en plus vives de la part d’économistes africains. Par ailleurs, la France traîne toujours cette dangereuse réputation de soutien aux dictatures que les jeunes africains dénoncent à longueur de journée. Et surtout la réussite d’autres modèles en Asie, fait que le modèle français intéresse moins les chercheurs en développement.

La francophonie peut-elle aider? Pas si sûr, jusqu’à maintenant, en 50 ans d’existence elle n’a rien apporté de concret à part quelques jeux et des manifestations culturelles boudées par les citoyens africains qui ne les suivent presque pas. La communauté de destin n’existe que dans les discours et en Afrique, l’idée de la Francophonie n’a pas été intégrée. Aussi bien que si la France compte sur la francophonie pour se rétablir en Afrique ou du moins empêcher sa chute sur les marchés, il faut lui donner un contenu plus proche des préoccupations des citoyens. Et surtout pendre en considération que la langue française perd du terrain de jour en jour au profit de l’Anglais. Et ce n’est pas le moindre mal.

Hakim Arif