L’annonce a été faite d’Alger par la plus haute autorité, en l’occurrence le président Abdelmadjid Tebboune, lors de l’interview de la chaîne qatarie Al Jazeera le 8 juin. Cette interview, familiale, est la première avec un président algérien depuis la création d’Al Jazeera. La rencontre a été animée par un journaliste algérien, travaillant pour la chaîne. Par Irina Tsukerman et Anis El Okbani (Center of African studies and Policy, CASP)

Le Président algérien a multiplié ces derniers jours les sorties médiatiques et ne rate pas une occasion pour s’attaquer au Maroc. Il y a quelques jours, il a osé s’attaquer directement à la monarchie marocaine dans une interview accordée au magazine français Le Point.

« La rupture avec le Maroc –et je parle de la monarchie, pas du peuple marocain, que nous estimons– remonte à tellement longtemps qu’elle s’est banalisée », avait-il rappelé. On dirait qu’il cherche la rupture diplomatique ou un petit conflit frontalier armé pour exporter ses problèmes internes en ce moment de Hirak et le retour des islamistes au pouvoir.

Concernant le conflit fabriqué du Sahara marocain, Tebboune n'a toujours pas digéré la réussite du coup royal relatif à la signature de l’accord tripartite USA-Israel-Maroc.

"Nous n'acceptons pas le fait accompli quelles que soient les circonstances", a-t-il indiqué.

Ce qui peut paraître comme une déclaration par inadvertance ressemble plus à un message destiné à ses parrains, ce qui est le plus probable compte tenu du statut de Tebboune et des conséquences de ses actes et paroles.

L’annonce, séance tenante de l’interview, de l’accréditation de la chaîne qatarie, connue pour ses missions déstabilisatrices des pays arabes, après de longues années d’interdiction en Algérie n’est pas fortuite.

Il faut rappeler que le siège de l’organisation des frères musulmans et ses dirigeants est a Doha sous la protection de l’émir du Qatar.

Cette organisation réputée pour être antimonarchique est présidée par le marocain Ahmed Raisssouni, ancien fondateur et dirigeant du parti islamiste (PJD) dont le secrétaire générale et chef du gouvernement marocain n’est autre que Saadeddine El Othmani. Ce dernier est connu pour sa proximité avec Recep Tayyip Erdogan qui offre, avec une grande largesse, la prise en charge des enfants des dirigeants islamistes marocains.

La technique arrêtée pour déstabiliser le régime du Maroc, l’unique pays stable au Maghreb, est l’infiltration de ses services sensibles et névralgiques, « pacifiquement et démocratiquement » en exploitant les failles de la constitution marocaine.

Dix années de gestion du gouvernement et des principales villes marocaines ont permis d’encadrer cette infiltration légalement. Il suffit de revenir aux nominations annoncées publiquement par les portes parole des gouvernements successifs de Benkirane et de El Othmani.

Les raisons qui ont poussé le président algérien Tebboune a déclarer officiellement son intention de changer le régime monarchique résident dans ce qu’il appelle « le rejet des faits accomplis ». A rappeler qu’il s’agit de la reconnaissance des Etats Unis d’Amérique de la souveraineté marocaine sur son Sahara et la reprise des relations diplomatiques avec l’Etat d’Israël.

Le président algérien ne cache pas son opposition à toute normalisation des Etats arabes avec l’Etat hébreu.

C’est la même position de l’organisation des frères musulmans et des islamistes marocains.

La signature de l’accord de la normalisation par le représentant numéro 1 des islamistes, Saadeddine El Othmani, en sa qualité de chef de gouvernement et sa responsabilité politique du PJD en présence du Roi Mohammed VI n’est pas un fait anodin. Toute tentative do jouer l’équilibriste entre le statut d’homme d’Etat et chef du parti est vouée à l’échec.

On peut se poser la question de savoir si les islamistes et leurs confréries, qui ont joué, jusqu’à présent, à la perfection, le rôle de l’autruche avec leur fameuse technique de la « taqiya », vont répondre a l’appel insolant et irresponsable du président algérien pour fragiliser, voire même changer le régime monarchique marocain. Le doute est permis même si les conclusions de l’étude à paraitre, preuves à l’appui, militent pour autre chose que nous ne pouvons pas dévoiler pour l’instant.

Tebboune peut également penser qu'il a un allié au sein du parti au pouvoir au Maroc, les frères musulmans du PJD. Laissant de côté les ramifications politiques du chef du PJD qui est également le chef du gouvernement et donc contraint de se conformer à la politique étrangère du roi, le PJD est tout à fait sur la même longueur d'onde que l'Algérie en ce qui concerne la normalisation avec Israël.

Cependant, il se peut qu'il y ait plus dans l'histoire que la simple hypocrisie de démagogues professionnels utilisant la carte religieuse dans l'esprit du populisme. Les frères musulmans et l'Algérie ont un autre lien idéologique et pratique : leur soutien mutuel à l'Iran. Les textes de Quotb ont été adoptés par Khomeini, traduits en Farci et popularisés dans les rangs du régime. La junte algérienne, bien que gauchiste et laïque, n'a aucun problème à faire appel à l'esprit islamiste contre les Juifs et Israël dans les mosquées, et poursuivre cyniquement une relation soutenue avec le régime khomeiniste chiite.

Le soutien du PJD aux positions islamistes peut-il transformer une partie du pays en une cinquième colonne involontaire pour les campagnes de l'Iran en Afrique du Nord ? C'est peut-être la preuve la plus solide à ce jour en faveur de la montée d’Aziz Akhennouch, le président du Rassemblement National des Indépendants (RNI) et de la chute du PJD lors des prochaines élections.

Hakim Arif