Bayt Dakira a abrité hier, lundi 14 mars, la cérémonie de signature de l’acte fondateur d’une coopération scientifique maroco-israélienne qui aidera à approfondir les recherches sur le patrimoine juif marocain pour mieux le faire connaître dans le monde. Le même haut lieu de la mémoire a abrité également une conférence internationale qui a été marquée par la présentation des premiers résultats des fouilles archéologiques effectuées sur les sites d’Aguerd et de Tagadirt dans le grand sud marocain. Commentaires recueillis à chaud, en vidéos, de la part des principaux initiateurs de ces actions salvatrices du patrimoine.

Le Centre d’études et de recherches sur le droit hébraïque au Maroc, l’Université Ben-Gurion (BGU, Israël) et la Fédération sépharade du Canada ont signé, lundi 14 mars, à Bayt Dakira à Essaouira, un mémorandum d’entente pour la promotion de la recherche dans le domaine du patrimoine juif en tant que composante de la culture marocaine, en présence du Conseiller de SM le Roi et président-fondateur de l’Association Essaouira-Mogador, André Azoulay.

Cet accord a été signé par Limor Aharonson-Daniel, vice- présidente for Global Engagement (BGU), Orit Ouaknine, présidente de Chaim Herzog Center (BGU), Abdellah Ouzitane, président du Centre d’études et de recherches sur le droit hébraïque au Maroc et Avraham Elarar, président de la Fédération Sépharade du Canada.

Dans cette vidéo, le Conseiller Royal André Azoulay met en perspective les engagements ainsi pris. Engagement dont expliquent ensuite l’esprit des signataires de l’accord.

 

https://www.youtube.com/watch?v=GLv8KOI3LiM&feature=emb_title

 

L’archéologie et la restauration architecturale à la rescousse de la mémoire

La conférence internationale organisée à Bayt Dakira était l’autre évènement marquant. Cette rencontre scientifique a été dédiée à la présentation des premiers résultats et l'avancement du programme de recherche intitulé "Atlas and Sahara Jewish-Muslim Héritage (ANSJMH) : a multidisciplinary approach". Elle a été organisée avec la participation d’un parterre de chercheurs et experts, marocains et étrangers.

Orit Ouaknine, professeur d’anthropologie et d’histoire à l’Université de Ben-Gurion ainsi que l’architecte et anthropologue Salima Naji montrent, à travers ces déclarations vidéo, l’importance des premières actions de terrain lancées pour la préservation du patrimoine multiséculaire juif marocain. De son côté, Hervé Lévy, responsable délégué de la communauté israélite d’Agadir fait une grande annonce concernant un projet complémentaire de ces actions.

 

 

Zoom sur lesfouilles archéologiques menées dans la province de Tata

Grâce au soutien de Mehdi Bensaïd, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, du 23 février au 27 février 2022, une seconde mission d’urgence pour la documentation et la sauvegarde des synagogues du Sud marocain a été déployée dans la province de Tata à la demande de la communauté israélite d’Agadir représentée par Hervey Levy. Elle a mobilisé une équipe d’experts nationaux et internationaux.

Elle a permis la collecte de matériel archéologique dans la synagogue d’Aguerd Tamanart qui avait fait l’objet d’une première intervention en novembre 2021 et une intervention d’ampleur dans la synagogue de Tagadirt de la commune de Kasbah Sidi Abadallah ou M’barek.

 

Lampe de Hannouka retrouvée sur le site de la synagogue de Tagadirt

 

L’équipe internationale déploie un même protocole d’intervention scientifique afin d’assurer la conservation et la valorisation de ce patrimoine archéologique.

La mission archéologique est dirigée par Saghir Mabrouk, professeur d’archéologie à l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine à Rabat, responsable des fouilles, et Yuval Yekoutieli, professeur d’archéologie à l’université Ben Gurion du Néguev. Elle a procédé au dégagement des différents niveaux d’effondrement de la synagogue de Tagadirt afin de retrouver le dernier niveau d’occupation. Elle a par ailleurs collecté le matériel archéologique qui comprend des objets rituels dont de nombreuses amulettes, des textiles et des fragments de textes. Ce matériel archéologique a été entreposé à la direction régionale du patrimoine à Ayt Melloul afin de pouvoir être étudié.

Parallèlement, l’architecte Salima Naji a assuré la mise en sécurité du bâtiment notamment par la restauration des maisons limitrophes de l’ancien mellah dans un approche participative avec les habitants.

Enfin, Orit Ouaknine, professeur d’anthropologie à l’université Ben Gurion du Néguev, et David Goeury, géographe à Sorbonne Université, ont mené une enquête élargie auprès des habitants actuels, des doyens et des parties prenantes de cet ancien mellah.

Le samedi 26 février 2022 a été dédié à une rencontre avec les représentants des associations culturelles de la commune et des élus pour réfléchir au devenir du projet, aux relations à établir avec les habitants et aux perspectives de mise en valeur touristique. Un suivi continu des travaux est assuré par le responsable de communauté israélite d’Agadir, Hervey Levy.

En effet, la communauté israélite d’Agadir souhaite mettre en valeur ces sites historiques où s’est développée une riche histoire interconfessionnelle par le déploiement de nouveaux circuits touristiques culturels reliant la ville d’Agadir à son arrière-pays.

La synagogue de Tagadirt bénéficiera tout au long du mois de mars 2022, comme la synagogue d’Aguerd Tamanart durant le mois de décembre 2021, d’une restauration comprenant la reconstruction des piliers effondrés et la réalisation d’une charpente traditionnelle afin de protéger le site des intempéries.

Cette restauration est menée dans les règles de l’art par Salima Naji avec une équipe de maçons spécialisés et des ouvriers issus de la communauté villageoise. Chaque synagogue bénéficie d’un traitement spécifique afin de restituer à partir des éléments archéologiques et des photographies d’archives le site.

Ces interventions premières permettent de sécuriser les lieux et de disposer d’une première documentation avant d’envisager des travaux scientifiques approfondis.

Parallèlement, du 1er au 3 mars, un important travail de digitalisation des fragments de textes trouvés dans les deux sites a été mené dans les locaux de la direction régionale du patrimoine de Souss-Massa. Ce travail permet de disposer d’un inventaire détaillé des documents trouvés dans les deux sites mais aussi de mobiliser des logiciels spécifiques pour recomposer les textes afin de préparer leur étude future.

Ces travaux s’inscrivent dans un projet régional visant à intervenir sur l’ensemble des synagogues oasiennes et de montagne. Une prochaine mission est programmée en mai 2022 pour poursuivre les travaux dans la province de Tata mais aussi dans la province de Tiznit.