Sexe contre travail, l’horreur en trois mots. Une enquête de BBC AFRICA à laquelle plus de 70 femmes ont pris part, a révélé au grand public les pressions et violences subies par les agricultrices dans la commune rurale de Limuru.

 

« Il doit d’abord coucher avec toi, ensuite tu obtiens un emploi », « Quand on refuse, il devient violent», « j’ai mal au fond de moi et je n’ai personne à qui parler ». Elles sont 75 sur un total de 100 femmes à avoir raconté leurs déboires dans les plantations. Pour en avoir le cœur net, une reporter de BBC AFRICA s’est glissée dans la peau d’une demandeuse d’emploi.

Invitée à rencontrer le manager en charge des recrutements pour la firme James Finlay & Compagny, la jeune femme s’est retrouvée dans un hôtel miteux. Là sans détour, l’homme se jette sur elle, la touche et lui demande des faveurs sexuelles contre un job. « On va s’allonger tous les deux, tu fais ce que je te demande et le boulot est à toi». Choquée la journaliste tente de résister à l’étreinte du RH en vain. C’est un coup de fil de son équipe de production située non loin de l’endroit qui va mettre un terme à la scène.

Consciente qu’elle tient le bon bout, la reporter contacte la plantation de thé du groupe Unilever. Même topo. Cette fois, elle se fait carrément suivre en voiture par le recruteur, qui lui promet d’excellentes conditions. Ce n’est qu’au bout de la troisième tentative qu’elle parvient à dégoter un poste de cueilleuse. Sous l’autorité d’un responsable d’effectif, elle est de nouveau confrontée au harcèlement. Refusant de céder, elle se retrouve comme par hasard avec une charge de travail plus lourde que la norme.

Profitant de sa présence sur les champs, elle s’est mise à interroger ses collègues temporaires. Beaucoup ont admis avoir eu des relations sexuelles forcées avec des superviseurs. Souvent mères de famille nombreuses, elles n’avaient d’autres choix que de dire oui. Mises au courant de la chose, les firmes propriétaires ont notifié à la chaine le renvoi des coupables et l’intervention de la police. « Je ne peux m’empêcher de penser au nombre de femmes qui ont vu leurs vies détruites par ces individus sans scrupules » a témoigné la journaliste, dont l’anonymat a été imposé par la chaine. A l’en croire, les plaintes ont commencé à partir de 2011.

Des centaines de saisonnières s’étaient retrouvées dans cette situation. Face à un genre d’Omerta, elles avaient abandonné. Si depuis, quelques multinationales ont mis en place des mesures pour protéger les travailleuses, les améliorations peinent à se faire sentir.  Dans cet environnement où les hommes font la loi et où les preneurs de décisions se trouvent à des années lumières des ouvrières, rien ne change véritablement…