GUY SAVOY Ses tables sont le rendez-vous des grands de ce monde. Sa cuisine, un remède contre la morosité. Son prochain restaurant, un palais au bord de la Seine. Comme on tire deux coups de fusil au balltrap (comptez 300 euros pour cette cuisine trois étoiles). Car ce grand chef a deux établissements différents, chacun à un jet de pierre de l’Arc de Triomphe. L’idéal serait de déjeuner au Chiberta qu’il a racheté il y a dix ans et où se sont retrouvés Barack Obama et François Hollande avant les cérémonies du 70e anniversaire du débarquement, en juin dernier. Avec la sécurité en place dès l’aube – 23 voitures pour le seul cortège américain –, le goûteur officiel qui teste l’ail et l’oignon, le charisme et l’enthousiasme d’Obama qui promet de revenir avec Michelle et John Kerry qui s’excuse de n’avoir pas fini son assiette ! Un dîner expédié en 80 minutes mais avec « la soupe d’artichauts à la truffe noir et brioche feuilletée aux champignons et truffes » qui honore la Bretagne et que Doha (The Pearl), Singapour (le vertigineux Marina Bay Sands), Las Vegas (le Caesar Palace, of course…) ont supplié Guy Savoy d’importer. Et on resterait dans le quartier pour dîner à deux pas, au Restaurant de Guy Savoy, rue Troyon où Nicolas Sarkozy et Angela Merkel gardent leurs habitudes. C’est même là qu’il faut s’attarder. Il n’y a pas de gardes républicains aux casques étincelants mais le cadre est à la hauteur d’une visite d’État. Rien de grandiose, l’intimité qui convient au couple francoallemand et aux apartés qu’engagent les hommes d’affaires avec les ministres africains qu’ils entraînent ici. Seul apparat : les toiles de maîtres d’une modernité sans ennui et une épatante collection d’art africain que l’architecte Jean-Michel Wilmotte a mise en scène. Chacun de ces chefs d’oeuvre réjouit et incite à rêver. Exactement comme les plats. Au Chiberta, l’homme d’affaires Jean-Yves Ollivier a son rond de serviette quand il est à Paris. Avoir contribué à la libération de Mandela lui a laissé assez de souvenirs pour n’être aucunement impressionné de savoir que Barack Obama a emprunté sa table habituelle. Rue Troyon, idem : Alassane Ouattara s’est assis à la place qu’occupait Laurent Gbagbo… Une manie ? Rue Troyon, il faut se placer près de l’entrée. Admirer Guy Savoy qui salue chaque convive, deux fois par jour, à chaque table depuis 46 ans et sans jamais s’en lasser. Il a vu débarquer les Chinois et les Indiens, revenir les Japonais. C’est un défilé de toutes les nationalités qu’il faut tenter d’identifier et les plus difficiles à discerner viennent d’Afrique australe ou de Scandinavie. La différence avec l’Onu ? Les participants sont heureux.Déjeuner sur le pouce avec Obama Ravir les palais et chasser la morosité. C’est la mission de Guy Savoy que l’on voit ici à côté du Président Obama lors du dîner du 5 juin 2014. De trois quarts, à gauche, John Kerry, chef de la diplomatie américaine. A droite, le Président Hollande.Guy Savoy devrait écrire ses mémoires. Pas pour parler de son art, qui est immense mais se savoure en silence car on ne parle pas la bouche pleine, mais pour raconter ses aventures gastro-politiques. Le repas des chefs d’État offerts aux 28 Européens réunis à Bruxelles en sommet et en pleine crise. La gourmandise d’Angela qui rappelle qu’on est au pays des fromages et les réclame au dessert, ce qui la change des sandwichs qu’elle partage avec ses bodyguards. Le déjeuner sur le pouce avec Obama en Normandie : homard et bar en croûte… en douze minutes ! Le contraire du slow food. La politique est une vie barbare. D’ici au printemps, Guy Savoy quittera l’Etoile. Il va installer sa brigade dans le somptueux Hôtel de la Monnaie, sur les bords de Seine près de l’Académie française. À l’heure ou la génération politique qui monte, la génération Badoit, s’est ralliée au régime NoGlu(ten) de Novac Djokovic – « L’action, pas la digestion ! » – et réclame des menus moroses dans un cadre discret – « les Français aiment le luxe mais détestent les riches » –, Guy Savoy investit l’un des plus beaux monuments de Paris comme s’il refusait le défaitisme, la banalité, la honte de soi. Cet artiste est un remède contre le conformisme. Ses oeuvres, une oasis dans la morosité.
Société
Oui Chef !
16/01/2015 à 11:23