« Depuis dix ans, l’Initiative MENA-OCDE a servi de plateforme d’échanges de bonnes pratiques, sur la base d’une responsabilité partagée. Nous sommes fiers aujourd’hui d’avoir créée une communauté MENA-OCDE qui a permis d’élever la qualité des normes et des politiques publiques dans la région. Je tiens à saluer l’engagement des pays de l’OCDE comme la Suède et l’Espagne qui co-président l’Initiative, mais aussi ceux du G7 pour leur soutien à travers le Partenariat de Deauville.

Au cours des dernières décennies, les pays de la région MENA ont mis en œuvre des réformes destinées à accroître leur ouverture, la diversification de leurs économies et la qualité de leurs systèmes de gouvernance.

De nouvelles constitutions ont vu le jour en Tunisie, au Maroc, en Égypte et en Jordanie. La Jordanie et la Tunisie ont rejoint le Partenariat pour un gouvernement ouvert, démontrant leur volonté de renforcer la transparence et l’intégrité de l’action publique.

De même, des efforts ont été accomplis pour participer plus activement au commerce international; les régimes de l’investissement étranger s’alignent progressivement sur les standards internationaux ; les administrations publiques se modernisent par l’usage des technologies de l’information. La région a également vu l’émergence de grands projets d’infrastructure à portée mondiale tels que le dédoublement du Canal de Suez en Egypte, l’extension du port Tanger-MED au Maroc, ou encore la création de l’éco-cité MASDAR dans les Emirats Arabes Unis.

Je dois dire que l’Initiative MENA-OCDE a mobilisé d’importants efforts pour accompagner ces réformes. Durant son nouveau mandat pour la période 2016-20, l’Initiative continuera d’évoluer pour s’adapter aux priorités de développement et à la demande des pays de la région. Car d’importants défis restent à relever : le chômage, les disparités de développement et surtout l’inégalité des chances qui affectent particulièrement les régions défavorisées, les femmes et les jeunes.

Le manque de perspectives d’emploi pour les jeunes, est une cause majeure du désespoir, et sans espoir, l’avenir est compromis ! Entre 2009 et 2015, le chômage des jeunes de la région MENA est passé de 24 % à 29 %, alors que la tendance était à la baisse au cours de la précédente décennie.

Il est alors urgent de proposer des solutions dans un contexte économique difficile avec des perspectives de croissance très modestes. Nous devons réfléchir à des réformes qui dynamisent la croissance tout en stimulant l’emploi pour tous et dans tous les territoires au sein des pays, et qui favorisent l’inclusion de larges couches de la société dans l’emploi formel.

Les conflits qui traversent la région et leurs conséquences – je pense notamment à la crise des réfugiés et au drame quotidien de la migration en Méditerranée – soulignent la nécessité de réponses globales. C’est l’objectif de cette conférence ministérielle. Je suis satisfait de savoir que le Forum MENA-OCDE tenu hier a été riche en propositions concrètes.

Faire de la croissance inclusive une réalité est au cœur du mandat de l’OCDE. Dans cet esprit, nous sommes heureux de présenter aujourd’hui l’étude « Meilleures politiques pour la région MENA », spécialement rédigée pour alimenter les discussions ministérielles d’aujourd’hui.

Quelques actions spécifiques

Premièrement, il faut renforcer le rôle du secteur privé formel. C’est une question centrale pour promouvoir la compétitivité et contribuer à diversifier les économies des pays de la région.

En 2014, le secteur privé représentait en moyenne 40% du PIB des pays de la région, alors que la moyenne de l’OCDE est de 59 %. Il faut éliminer les réglementations inutiles, promouvoir l’entrepreneuriat et les petites et moyennes entreprises (PME), faciliter l’accès aux financements, et améliorer la gouvernance des entreprises. Dans l’ensemble de ces domaines, notre initiative est particulièrement active.

Ces réformes doivent être complétées par une réduction des obstacles aux échanges commerciaux et aux flux d’investissement. Les restrictions à l’investissement étranger sont deux fois plus élevées dans la région que dans les pays de l’OCDE. Il est extrêmement difficile d’offrir des emplois aux jeunes qui soient adaptés à leurs compétences lorsque les économies ne profitent pas pleinement des avantages offerts par les marchés mondiaux.

Deuxièmement, s’intégrer dans l’économie mondiale et construire des sociétés inclusives ne peut réussir qu’en présence d’institutions solides et efficaces. C’est toute l’importance d’une bonne gouvernance publique. Il faut saluer à cet égard les efforts engagés par de nombreux pays de la région pour réformer les administrations publiques afin d’assurer des services de qualité pour tous.

Pour rétablir la confiance dans les institutions publiques, nous avons besoin de systèmes de gouvernance qui s’appuient sur une participation citoyenne plus intense, notamment des jeunes et des femmes. L’Étude de l’OCDE « Les jeunes dans la région MENA: Comment les inclure »  souligne que les jeunes dans la région ont moins confiance dans leurs gouvernements et institutions que leurs parents.

Bien que le taux d'alphabétisation des femmes dans la région MENA ait augmenté de 61% en 2000 à 72% en 2011, leur participation dans la vie publique ne s’est pas forcément améliorée : En effet, la région MENA ne compte que 18% de femmes dans les organes législatifs!

Troisièmement, il faut compter aussi sur un engagement politique fort pour qu’une nouvelle vision du secteur public donne la première place aux intérêts des citoyens et à la qualité des services publics. Dans ce cadre, nous aidons les autorités tunisiennes à mieux articuler les priorités stratégiques nationales et l’élaboration du budget de l’Etat, y compris dans les domaines qui concernent les jeunes et les femmes.

Enfin, je ne peux conclure sans mentionner le renforcement de l’intégrité et la lutte contre la corruption, dont le coût est estimé à plus de 5% du PIB mondial. C’est un problème global et qui figure au cœur de l’Initiative MENA-OCDE ».

 

Angel Gurria est Secrétaire général, OCDE

Discours à la conférence ministérielle de  l’Initiative MENA-OCDE pour la Gouvernance et la Compétitivité, Tunis 4 octobre.