01/05/2018 à 18:58
, Mis à jour le
01/05/2018
L’avenir de la RDC est incertain. Tout le monde s’en inquiète, sauf son président sortant qui ne veut pas sortir. En s’accrochant à son fauteuil, Joseph Kabila met quasiment l’ensemble des Congolais sur le dos. Aujourd’hui, c’est au tour des Laïcs catholiques, provenant des six provinces ecclésiastiques que compte le pays, de lui réitérer leur désaveu. Cette fois-ci, cette désapprobation sera exprimée dans la rue. Participants au congrès du Comité Laïc de Coordination, tenu hier 30 avril 2018, et membres de cet organe annoncent dans un communiqué publié aujourd’hui des actions pacifiques d'envergure, de protestation et de revendication, sur l'ensemble du territoire congolais. En invitant la population à la mobilisation, ils se disent prêts à affronter le pire pour arracher le meilleur. Par meilleur, ils entendent, «le respect de notre dignité, la conquête de notre liberté confisquée et la protection, la préservation et la promotion de notre patrimoine commun : la République Démocratique du Congo».
Ras-le-bol général
C’est le désespoir qui a fait sortir les Laïcs catholiques de leurs gonds. Leur analyse de la situation mérite qu’on y arrête : «Nous constatons que le processus électoral actuel risque d'aboutir à l'un des deux scénarios suivants: soit le gouvernement et la CENI repoussent les échéances électorales à de nouvelles dates hypothétiques, en prenant prétexte des difficultés opérationnelles et logistiques, manipulant une fois de plus l'opinion nationale et internationale; soit que ces deux organes conduisent le pays aux élections sans mesures préalables de décrispation politique, ni de garantie de transparence et de crédibilité, la Cour Constitutionnelle étant d'avance programmée pour statuer sur les litiges électoraux suivant les injonctions qui lui seront données». Face à l’impasse, leur décision est claire: «Disons trois fois NON à ces deux scénarios. Le peuple congolais qui a consenti tant de sacrifices pour mettre fin à la dictature et qui a investi tant de vies humaines pour la tenue des élections crédibles, transparentes et apaisées, ne peut tolérer de nouveaux reports, encore moins la mise en scène d'une parodie électorale».
État des lieux
«Au cours de nos travaux, nous avons fait le constat amer que la situation générale de la RDC reste préoccupante et l'avenir du pays, plus que sombre parce que incertain», déplore le Comité Laïc de Coordination.
Ses arguments : «53 jours après le 10 mars, la date d'annonce de notre trêve au Secrétaire Général des Nations-Unies, à huit mois des élections programmées au 23 décembre 2018, le constat unanime est le suivant: incertitude du calendrier électoral. A55 jours du 24 juin, la date de convocation de l'électorat pour l'ouverture des Bureaux de Réception et Traitement des candidatures des députés provinciaux, et à 86 jours du 25 juillet, la date de l'ouverture des Bureaux de Réception et Traitement des Candidatures présidentielles et des députés nationaux, la CENI continue à gaspiller à la fois son temps, ses moyens et son énergie à la défense de son projet illégal et conflictuel d'imposition d'un matériel électoral décrié sur le plan national et déconseillé par tous les pays amis y compris celui de provenance de cette technologie. Alors qu'avant ces dates ou parallèlement, devaient également être organisés l'enrôlement des Congolais vivant à l'étranger, l'audit du fichier électoral et la formation des agents en charge des opérations électorales. Il est peu probable qu'à la date critique du 19 septembre 2018, la CENI puisse être capable de rendre publiques, comme prévu par le calendrier électoral, les listes définitives des candidats à tous les niveaux en vue des scrutins présidentiels, législatifs nationaux et législatifs provinciaux, du 23 décembre 2018.
Aucune mesure de décrispation politique n'a été véritablement d'application. En effet, à ce jour, à trois mois d'ouverture des Bureaux de réception et traitement des candidatures pour l'inscription des candidatures présidentielles et des députés nationaux, aucun opposant politique emblématique n'a été libéré ; aucun exilé politique n'a pu retourner au pays ; le contentieux du dédoublement des partis politiques n'a pas été vidé ; les espaces démocratiques et médiatiques n'ont pas été libéralisés ; les poursuites judiciaires contre les opposants n'ont pas été abandonnés ; les mesures d'interdiction des manifestations pacifiques n'ont pas été levées ; la liste des partis politiques autorisés à participer au processus électoral n'est toujours pas publiée».
Ce n’est pas tout, le Comité dénonce la partialité de la CENI. Explications: «La haute direction de la Commission Electorale Nationale Indépendante n'a cessé de se disqualifier par son incapacité à s'inscrire dans les objectifs de l'Accord et surtout par son manque d'impartialité en se comportant telle une administration électorale partisane, comme l'illustre son entêtement à vouloir imposer la machine à voter, la constitution non transparente du fichier et de la cartographie électorale, l'opacité dans la passation des marchés et la gestion peu orthodoxe des fonds électoraux. En effet, on ne sait toujours rien de la destination de l'argent budgétisé et décaissé pour les présentes élections depuis 2012 ; l'audit de la CENI se fait toujours attendre; le budget électoral, visiblement trop onéreux pour les capacités réelles du pays, serait prêt à servir d'alibi pour de nouveaux reports».
Des soupçons sur la Cour Constitutionnelle
Se basant sur certaines décisions qu’il qualifie d’iniques intervenues dans le cadre du processus électoral, le Comité redoute que la Cour constitutionnelle soit instrumentaliséd par le régime Kabila. Arguments avancés : «ses arrêts autorisant respectivement la nomination des Gouverneurs de province (Commissaires Spéciaux) (septembre 2015) et la prorogation de fait du mandat du Président de la République (octobre 2016), ses arrêts rendus en violation flagrante de la Constitution, de sa loi organique et son règlement intérieur; et son rejet du recours introduit par un groupe de députés et sénateurs toutes tendances confondues sur l'inconstitutionnalité de la loi électorale».
Tous ces arguments expliquent la tension qui montera d’un cran ces jours-ci contre Kabila et ses affidés.