La conscience de la vulnérabilité de l’enfance fait la force et la grandeur non d’une Nation et d’un peuple en particulier mais de l’Homme dans son devoir le plus universel et impérieux.

 

Nous avons tant à apprendre d’elle et de son innocence. Son goût précoce, intuitif, irréfragable pour l’exploration par tâtonnement met à l’épreuve la justesse de notre bienveillanceà son égard.

 

La protéger du danger n’est pas chose aisée et sa souffrance est le parangon du tragique.

 

Cette épreuve morale interpelle les pouvoirs publics par la promotion d’un droit inaliénable de l’enfant qui articule des dimensions diachroniques et synchroniques. Il incombe en effet aux générations présentes d’anticiper les besoins du futur et les conditions de possibilité d’un épanouissement trans-générationnel.

 

Quand le génie civil se trouve fortuitement en première ligne de cette cause de l’enfance c’est que le terrain de jeu de celle-ci, se déroule sur les lieux les plus ordinaires de l’aménagement du territoire, le chantier interdit formellement au public, et bien sûr aux jeux d’enfant.

 

C’est alors qu’apparaît ce miracle révélé de ce que le géniedes liens civils doit au génie civil. Quand l’ordinaire du construire, laisse place à l’extraordinaire du secourir.

 

Le savoir-faire technique fait d’engins de chantier, d’outils servant d’équipement de protection ou de prolongement de nos forces trop humaines donc limitées, et de toutes autres techniques de domestication du vivant est guidé par une force supérieure, cette épreuve morale de ne pas trop ébranler le vivant pour ne pas mettre notre espèce et d’un même tenant, notre conscience morale, et notre santé mentale, en péril.

 

Sciences des techniques et du vivant, sciences de l’Homme, imaginaires collectifs, en somme, savoir et croire, forment un mélange des genres qui paraît farfelu à beaucoup d’entre nous, voire spécieux. Mais la fable si réelle de l’enfance en péril sur un chantier de travaux publics, révèle cet alliage sous un jour nouveau.

 

Comme le dit si justement le philosophe Georges Didi-Huberman à propos des catastrophes. Celles-ci n’existent qu’au passé car sur le moment présent nous ne savons pas les penser et se laisser enseigner d’elles pour éviter qu’elles n’adviennent de nouveau.

 

L’enfance est bien cet être à la fois si fragile et si grand, qui fait le sens de la vie. Du prendre soin, au savoir vivre il n’y a donc qu’un pas ou plutôt qu’un chemin qui ne vit que de nos pas. Ce que l’enfance nous enseigne est un trésor que nous devons mieux apprendre à déchiffrer pour que, nous adultes, le soyons pleinement.

Julien Tardif, sociologue