« ABL peut apporter des solutions innovantes à l'industrie aérienne africaine »

En dépit d’une conjoncture rendue délicate par le conflit russo-ukrainien, le marché aéronautique africain ne perd rien de son attractivité aux yeux des entrepreneurs. Leurs projections semblent même très optimistes à en croire le PDG d’ABL Aviation. Entretien.

Multinationale axée sur le leasing aérien et la gestion d’actifs, ABL Aviation a été fondée par Ali Ben Lmadani en 2015. Il n’aura pas fallu longtemps pour que le groupe basé à Dublin ouvre des

bureaux à Casablanca, New York, Dubaï, Hong Kong et Tokyo. Son jeune fondateur lorgne à présent vers le marché africain et il n’a pas tort. Formé au pays de l’Oncle Sam, il y a développé un esprit d’entreprise audacieux auquel il a couplé une âme de globe-trotter. Après avoir dressé des antennes un peu partout dans le monde et engrangé de très bons résultats, Ali Ben Lmadani veut désormais mettre l’accent sur son continent et ses racines. Il était temps…

ABL aviation se prépare à conquérir le marché africain. Comment décririez-vous celui-ci ? Voyager en Afrique peut être un défi. Le trafic aérien intra-africain est limité. Pour voyager vers l'est ou l'ouest, il faut souvent se rendre vers le nord ou le sud et ensuite prendre un vol de correspondance. Les réseaux routiers et ferroviaires peuvent être difficiles eux-aussi, voilà pourquoi nous pensons qu'il existe une demande refoulée des classes moyennes ; que ce soit à des fins professionnelles ou de loisir. Selon les dernières prévisions de Boeing, le marché africain devrait croître de 5,2 % par an entre 2022 et 2041. Le trafic intérieur atteindrait dans ce cas l’excellent taux de 6,2 %. Toujours selon Boeing, cette demande se traduirait par la livraison de plus de 1 000 nouveaux avions sur le continent. Airbus estime pour sa part que l'on sera plus proche des 1 200 appareils. Les compagnies aériennes africaines vont plus que tripler leurs trafics tandis que leurs flottes doubleront au cours de la même période.

Le constructeur aéronautique prévoit en outre que la flotte continentale actuelle (600 appareils) dépassera les 1 400 en 2040. La majeure partie de cette croissance sera desservie par des monocouloirs de taille moyenne. Une telle augmentation nécessitera des financements. Certains seront fournis par les compagnies aériennes elles-mêmes, le prêt bancaire, le crédit à l'exportation et le leasing. Nous estimons à notre niveau que plus de 1000 nouvelles livraisons au cours des 20 prochaines années requerront une importante contribution en capital. En résumé c'est un marché attractif auquel il est possible d'apporter des ressources.

Quelle sera votre stratégie à cet effet ?

Notre analyse minutieuse nous porte à croire que le marché africain est sous-servi par les fournisseurs de leasing et de capitaux du secteur. ABL peut apporter des solutions innovantes à l'industrie aérienne africaine pour l'aider à financer ces futures livraisons. Nous avons travaillé avec de nombreux fournisseurs de capitaux, assureurs et entités de partage des risques ; lesquels sont prêts à considérer certaines des compagnies aériennes basées sur place. Évidemment, chaque combinaison de risques entre compagnies aériennes et juridictions devra être prise en compte. Lors de l'examen d’une transaction, des questions comme le crédit, la juridiction, les risques liés aux actifs ainsi que les éventuelles améliorations structurelles devront être prises en compte afin d’aboutir à une opération acceptable par toutes les parties.

Parlez-nous des grands défis qu'ABL Aviation devra relever concernant le continent.

La réglementation et les accords de ciel ouvert actuels ne sont pas propices à la création d'un environnement commercial homogène pour les compagnies aériennes. Il y a plus de 50 pays en Afrique, chacun avec ses lois, règles et procédures. Des réformes doivent être priorisées afin de réduire les coûts pour le public voyageur, d'augmenter le trafic aérien et d'entraîner une plus grande croissance économique. Il n'y a pas deux pays identiques. Pour structurer une transaction, les textes de ces pays devront être pris en compte. Autre aspect très important à considérer lors des accords : la capacité de l'exploitant à entretenir l'avion conformément au contrat de location et au programme de maintenance recommandés par le constructeur. Il est également important d'évaluer en détail l'environnement d'exploitation de l'aéronef. ABL dispose d'une équipe technique hautement respectée et compétente qui veillera à tous ces aspects afin de s'assurer que l'avion sera correctement entretenu.

Que ciblez-vous le plus pour les pays africains : la location ou la gestion d'actifs ?

Il existe des arguments convaincants en faveur d'une augmentation de la location d'avions. Les sociétés de leasing peuvent fournir des capitaux à prix très compétitifs aux compagnies aériennes existantes et nouvelles. Grâce à notre team technique de gestion d’actifs, nous sommes évidemment aptes à conseiller nos clients en cas de besoin et à garantir que les avions de nos investisseurs soient correctement entretenus tout au long du bail.

Comment comptez-vous vous imposer face à des groupes offrant les mêmes services que vous?

Les grands loueurs sont actifs en Afrique, sur une base « fly in and fly out ». ABL a une présence significative localement, ses racines et son histoire sont aussi africaines. Cela nous donne un avantage concurrentiel sur certains de nos rivaux potentiels.

Qu'est-ce qui vous motive le plus dans ce projet ?

Le marché aéronautique africain va nécessiter des capitaux importants dans les années à venir. ABL a été à la pointe de l'innovation financière dans le domaine de la location d'avions. Nous pouvons utiliser les compétences que nous avons développées au fil des ans sur les marchés internationaux et les appliquer avec succès localement. Étant africains, nous souhaitons aider les compagnies aériennes du continent à accéder à la forme de financement la plus compétitive disponible.