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Economie

Shegun Bakari: « Nous avons beaucoup à apprendre du Maroc »

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23/11/2023 à 18:13 , Mis à jour le 23/11/2023
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Coopération avec le Maroc, intégration régionale, terrorisme en Afrique, accès des pays du Sahel à l'Atlantique... Diverses questions ont été abordées lors de notre échange téléphonique avec le ministre des affaires étrangères du Bénin, Shegun Bakari.

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Comment évaluez-vous actuellement les relations bilatérales entre le Maroc et le Bénin ? Quels sont les principaux domaines que les deux pays envisagent de développer conjointement

Shegun Bakari: Le Maroc et le Bénin sont deux pays frères et amis, avec une coopération institutionnelle très dynamique. Il y a quelques semaines, je me suis rendu à Rabat pour rencontrer mon frère et ami, le ministre Nacer Bourita. Nous partageons une convergence de points de vue sur les grandes questions politiques, tant au niveau continental que mondial. Aujourd'hui, notre ambition est de concrétiser cette relation et d’intensifier ce partenariat, en mettant particulièrement l'accent sur le volet économique. Nous avons beaucoup à apprendre du Maroc dans ce sens.

De grands groupes marocains opèrent déjà au Bénin, notamment dans l'assurance, la banque, les télécommunications et les BTP. Cependant, notre objectif est de diversifier ces domaines et d'aller encore plus loin.

L’idée est de développer de nouveaux partenariats économiques avec le Maroc, en particulier dans le domaine agricole et agroalimentaire.

Actuellement, les échanges commerciaux entre le Bénin et le Maroc s'élèvent à environ 100 millions de dollars par an, dont 98 millions sont plutôt du Maroc vers le Bénin. L’idée est de développer de nouveaux partenariats économiques, en particulier dans le domaine agricole et agroalimentaire.

Le Bénin occupe la première place en tant que producteur de coton sur le continent africain, tandis que le Maroc dispose d'un secteur textile hautement développé, générant environ 2 milliards de dollars d'exportations l'année précédente. Plutôt que d'importer son coton de Turquie ou de pays plus éloignés comme la Chine, il serait logique que le Maroc s'approvisionne directement au Bénin.

Nous explorons également des opportunités dans le domaine de l'ananas et des huiles végétales, étant donné la forte consommation d'huile végétale au Maroc et notre rôle en tant que gros producteur de soja.

Nous sommes en train de travailler sur ces perspectives qui devraient se concrétiser lors de la prochaine Commission mixte de coopération entre le Maroc et le Bénin, la 7e édition qui se tiendra à Cotonou.

Justement, quand aura lieu cette réunion ? Les dates ont-elles été fixées ?

Les agendas sont en cours de finalisation, et les détails devraient être confirmés prochainement. Nos équipes techniques du ministère des Affaires étrangères et de la coopération du Bénin ont déjà rencontré leurs homologues marocains en octobre dernier. Actuellement, nous œuvrons activement à fixer une date pour la réunion ministérielle à Cotonou. Il s'agit simplement de finaliser les détails des agendas.

Quelle est votre appréciation sur l'appel du Roi Mohammed VI pour le développement des infrastructures en Afrique et pour l'accès des pays du Sahel à l'Atlantique ?

Nous approuvons pleinement l'appel de Sa Majesté le Roi, le jugeant nécessaire et crucial. La façade atlantique revêt une importance considérable pour le continent africain aujourd'hui, jouant un rôle crucial dans les échanges mondiaux. Le succès du développement de la plateforme de Tanger Med au Maroc est un exemple inspirant pour l'ensemble du continent. Nous sommes convaincus qu'il est impératif de tirer des enseignements du travail accompli au Royaume afin de stimuler les échanges maritimes entre nos pays, favorisant ainsi une meilleure intégration tant au niveau africain qu'international. L'accès des pays du Sahel à l'Atlantique est une nécessité. En tant que port naturel, le port de Cotonou joue déjà ce rôle pour de nombreux pays enclavés tels que le Burkina Faso, le Niger, et dans une certaine mesure, le Mali. Nous sommes convaincus qu'il est essentiel de continuer à investir dans les infrastructures de connectivité pour désenclaver davantage les pays du Sahel.

Quel rôle pourrait jouer la ZLECAF dans ce sens?

La ZLECAF occupe une place cruciale dans ce processus. Nous attachons une grande importance à l'intégration, mais en tant que pays africains, il est essentiel que nous soyons crédibles dans cette démarche. Pour concrétiser la ZLECAF, il est impératif d'assurer la libre circulation des personnes, un aspect critique pour favoriser une réelle intégration régionale.

La question des visas constitue un préalable majeur. Si un homme d'affaires béninois a besoin d'un visa pour se rendre dans un autre pays africain, cela entrave considérablement le processus d'intégration. Par conséquent, pour parvenir à une intégration continentale réussie, il est essentiel que tous les leaders africains s'accordent sur l'élimination des visas pour les déplacements entre les pays africains. Cette démarche est d'autant plus cruciale qu'elle facilite la libre circulation des personnes, stimulant ainsi le développement des affaires entre les nations.

Il est essentiel de continuer à investir dans les infrastructures de connectivité pour désenclaver davantage les pays du Sahel.

En 2017, le Bénin a pris l'initiative de permettre à tous les Africains d'entrer au Bénin sans visa pour une durée de 30 jours. Cette décision représente un préalable crucial, car la libre circulation encourage l'engagement dans des activités commerciales communes. Parallèlement, il est impératif de travailler pour une intégration effective de nos blocs régionaux. Actuellement, certains de ces blocs, présentent des lacunes dans la facilitation de la libre circulation des biens, des investissements et des capitaux au sein de leurs espaces régionaux respectifs. Il est essentiel de résoudre ces problèmes au niveau régional avant d'envisager une discussion à l'échelle continentale.

Au Bénin, nous considérons que la première étape de cet agenda devrait être la facilitation de la libre circulation des personnes. Nous sommes fiers d'avoir déjà pris cette mesure, permettant à tous les Africains d'entrer au Bénin sans visa. Nous sommes également engagés dans des discussions bilatérales pour promouvoir cette libre circulation avec nos partenaires. Nous saluons les progrès réalisés au niveau du Royaume du Maroc, notamment l'introduction de l'e-visa pour les ressortissants de certains pays, une avancée positive. Il est crucial de progresser vers une libre circulation des personnes, sur le modèle de la construction européenne, où les déplacements entre pays se font sans librement. Nous aspirons à une telle harmonisation en Afrique.

Quels ont été les principaux résultats de la réunion de Cotonou du groupe de réflexion de la Coalition mondiale pour vaincre Daesh en Afrique ?

Il s'agit d'une réunion technique à laquelle nous avons adhéré avec grand enthousiasme. Nous avons rejoint cette coalition lors de la réunion qui s'est tenue à Marrakech, et c'est un plaisir d'accueillir cette rencontre technique à Cotonou. Lorsque nous évoquons Daesh, c'est bien plus qu'un simple terme. L'idée est de former une coalition de pays réfléchissant aux moyens de lutter contre les diverses menaces terroristes auxquelles nous faisons face aujourd'hui, que ce soit Daesh ou d'autres groupes. Un travail spécifique a été réalisé par les équipes techniques sur divers aspects, tels que l'échange de renseignements, la présence sur le terrain, et une approche concertée englobant non seulement une réponse sécuritaire, mais également des réponses en termes de développement et de prévention. Cette dernière est essentielle, et au Bénin, nous avons mis l'accent sur son importance auprès de nos partenaires et des membres non africains de cette coalition. Nous avons souligné l'impact que certaines situations en dehors de notre région peuvent avoir sur les questions de terrorisme, en particulier la nécessité urgente d'établir un cessez-le-feu à Gaza. C'est crucial, car les images actuelles de Gaza pourraient être exploitées par des groupes terroristes pour le recrutement dans différents pays. Pour, nous l’essentiel n’est pas simplement de s’engager dans une lutte contre Daesh, mais plutôt pour vaincre le terrorisme en Afrique.