Publié par la Banque européenne d'investissement, le rapport «La finance en Afrique» analyse l'évolution récente du secteur financier en Afrique. Les auteurs de document mettent l'accent sur les investissements à l'ère de la transformation numérique et de la transition climatique.
«Débloquer l’investissement à l’ère de la transformation numérique et de la transition climatique». C’est l’intitulé choisi par la Banque européenne d’investissement (BEI) pour son dernier rapport annuel sur la finance en Afrique.
S’appuyant sur une enquête menée auprès de 51 banques subsahariennes entre février et mars 2024, ce rapport, publié le 7 novembre 2024, détaille les défis et opportunités du secteur financier africain, dans un contexte de mutation économique mondiale et de fractures géopolitiques marquées.
Depuis longtemps, l’Union européenne (UE) considère son partenariat avec l’Afrique comme une priorité stratégique. Face aux défis climatiques et numériques, l’UE s’engage aujourd’hui plus que jamais à renforcer ce lien. La stratégie conjointe UE-Afrique cible des priorités cruciales comme la croissance durable et le développement humain, en accord avec l’initiative « Global Gateway » qui vise à combler les lacunes d’investissement. Ce programme, par l’intermédiaire du « paquet d’investissement Afrique-Europe », prévoit une mobilisation de 150 milliards d’euros dans des projets de coopération renforcée avec les pays africains. La BEI, acteur central de cette stratégie, participe à 110 des 168 initiatives menées par l’Équipe Europe, confirmant ainsi son rôle crucial dans l’essor du continent.
Le rapport de la BEI souligne l’ampleur des besoins financiers de l’Afrique, estimés à 194 milliards de dollars annuels pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030. Cette nécessité s’inscrit dans un contexte de faible développement des marchés de crédit intérieurs et de réduction des flux financiers mondiaux. Les banques de développement apparaissent alors comme des leviers indispensables pour stimuler la croissance économique et soutenir le secteur privé en Afrique, en canalisant des capitaux internationaux vers les marchés nationaux.
Toutefois, malgré une tendance mondiale à la baisse de l’inflation, celle-ci reste élevée dans certains pays africains, compliquant les conditions d’assouplissement des politiques monétaires. Le rapport table néanmoins sur une accélération de la croissance économique pour la période 2024-2028, qui pourrait atteindre des niveaux inédits depuis la décennie précédente, en dépit de la persistance des incertitudes économiques.
Marchés obligataires
Le rapport met également en lumière l’indice des conditions financières de la BEI, un outil d’analyse désormais étendu à dix pays africains. Cet indice révèle un assouplissement progressif des conditions financières depuis la fin de 2023, notamment dans des pays comme le Bénin et la Côte d’Ivoire, qui ont ainsi pu réintégrer les marchés obligataires internationaux. La baisse des rendements obligataires en Afrique témoigne d’une confiance croissante des investisseurs, dissipant les craintes d’une nouvelle vague de défauts souverains.
Les obligations durables, comprenant les obligations vertes et sociales, continuent de susciter l’intérêt des investisseurs. En Afrique australe notamment, les émissions de telles obligations ont progressé, portées par les institutions multilatérales et le secteur public. La « prime verte » (greenium) observée sur certaines obligations vertes reflète cette attractivité, bien qu’elle reste modérée.
Malgré des signaux positifs sur les marchés financiers, le chemin vers un développement économique soutenu reste semé d’embûches. Le faible niveau d’industrialisation et la part importante de l’agriculture dans le PIB limitent l’intégration de l’Afrique aux chaînes de valeur mondiales. Le manque d’infrastructures, la pénurie de travailleurs qualifiés et l’accès restreint au financement freinent le dynamisme du secteur privé.
En réponse à ces obstacles, le secteur financier africain doit renforcer son soutien au secteur privé. Bien que les banques africaines aient bénéficié des taux d’intérêt élevés, leur rentabilité repose principalement sur les portefeuilles d’obligations d’État, au détriment des prêts au secteur privé. Le ratio crédit au secteur privé/PIB, en baisse depuis 2007, met en évidence un effet d’éviction fort, où les prêts bancaires au secteur public empiètent sur les ressources disponibles pour les entreprises.
Le rapport révèle une attention des banques africaines à l’équité de genre dans l’attribution des crédits. Près de 90 % des banques africaines disposent ou prévoient d’adopter une stratégie d’égalité hommes-femmes. De plus, les entreprises dirigées par des femmes présentent des taux de prêts non productifs inférieurs, justifiant un soutien accru à leur égard.
La BEI s’intéresse également aux avancées du secteur de la fintech en Afrique, qui, bien que ralentissant après une expansion fulgurante entre 2020 et 2022, compte aujourd’hui plus de 1 263 entreprises. Les technologies financières se concentrent principalement au Nigeria, en Afrique du Sud, au Kenya et en Égypte, qui captent environ 80 % des financements destinés aux fintechs sur le continent.