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Paroles de diplomate

France-Afrique : Jean-Marie Bockel pour une nouvelle doctrine sécuritaire

Le président ivoirien Alassane Ouattara avec Jean-Marie Bockel, l’envoyé personnel d’Emmanuel Macron pour l’Afrique le 21 février 2024, à Abidjan
Le président ivoirien Alassane Ouattara avec Jean-Marie Bockel, l’envoyé personnel d’Emmanuel Macron pour l’Afrique le 21 février 2024, à Abidjan
Mamadou Ousmane
28/11/2024 à 11:47 , Mis à jour le 29/11/2024

Jean-Marie Bockel, envoyé spécial du président Macron en Afrique, a présenté le 25 novembre un rapport crucial sur la réorganisation de la présence militaire française, proposant un partenariat « renouvelé » et « coconstruit » en réponse aux besoins des pays africains.

L'Afrique, théâtre des ambitions géopolitiques françaises depuis des décennies, se voit aujourd'hui confrontée à un tournant majeur dans la gestion de la présence militaire tricolore sur le continent. Jean-Marie Bockel, envoyé spécial d'Emmanuel Macron pour l’Afrique, a présenté, le 25 novembre dernier, son rapport tant attendu sur la révision de la stratégie sécuritaire de la France en Afrique. Cette initiative, qui fait suite à une série de coups d’État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger, vise à redéfinir les bases de la coopération entre la France et ses anciens partenaires africains.

Le rapport de Bockel annonce une refonte en profondeur de la politique de défense française, qui privilégie désormais la coopération plutôt que la présence militaire imposée. Face aux critiques croissantes des bases militaires françaises, perçues comme des symboles d’ingérence par une partie de la société civile africaine, l’objectif est d’établir un modèle plus respectueux de la souveraineté des pays concernés. Ainsi, la France proposera une coopération « renouvelée » et « coconstruite », répondant aux besoins exprimés par les nations africaines sans imposer une domination militaire.

Le nouveau dispositif prévoit une réduction significative des forces françaises stationnées sur le continent. Les bases en Côte d'Ivoire, au Tchad, au Gabon et au Sénégal, autres piliers de l’empreinte militaire française en Afrique, verront leur nombre de militaires diminué de manière substantielle. Par exemple, les effectifs à Gabon et Sénégal, actuellement de 350 soldats, seront ramenés à une centaine, tandis qu’en Côte d’Ivoire et au Tchad, près de mille militaires devront quitter ces pays. Jean-Marie Bockel a insisté sur la nécessité de « remodeler » cette présence, soulignant que le but était de passer d’une posture militaire à une approche de « partenariat » dans des domaines comme la formation, le renseignement et la coopération stratégique.

Cette réorganisation s’inscrit dans un contexte de remise en question de la présence militaire étrangère sur le continent. La montée des nationalismes et les critiques croissantes contre la Françafrique résonnent particulièrement au Sénégal, où le Premier ministre Ousmane Sonko a affirmé que la souveraineté du pays ne pouvait coexister avec la présence de bases militaires étrangères. Bien que les relations entre la France et le Sénégal demeurent solides, cette position pourrait alimenter un débat sur l’avenir de ces bases dans un contexte où les partenaires internationaux se diversifient, notamment avec la Chine, la Russie et la Turquie.

Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d’État à la Coopération sous Nicolas Sarkozy, porte donc une vision stratégique renouvelée, en mettant l’accent sur la transformation des bases traditionnelles en « hubs de coopération », dédiés à des missions spécifiques et adaptées aux réalités locales. Ce changement de paradigme vise à restaurer la confiance des populations africaines tout en répondant aux défis sécuritaires auxquels ces pays font face. Toutefois, la question demeure : cette transition marquera-t-elle la fin de l’influence militaire française en Afrique ou son adaptation à de nouvelles dynamiques internationales? Seul l’avenir dira si cette stratégie saura convaincre les pays africains de maintenir un partenariat fondé sur la coopération et la souveraineté partagée.