Entre la montée des tensions protectionnistes, la fragmentation des chaînes d’approvisionnement mondiales et le retour de Donald Trump au pouvoir, le second mandat de Ngozi Okonjo-Iweala risque d’être tumultueux.


Réélue à l’unanimité pour un second mandat à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala se prépare à relever des défis d’une ampleur inédite dans un contexte mondial de tensions commerciales exacerbées et de transformations économiques. À la croisée des chemins entre réformes nécessaires et pression géopolitique, la première femme et première Africaine à diriger l’OMC voit son leadership mis à l’épreuve. 

Lors de la réunion extraordinaire du Conseil général de l’OMC, tenue les 28 et 29 novembre 2024, Ngozi Okonjo-Iweala a été plébiscitée par les États membres pour poursuivre son travail à la tête de l’institution. Ce renouvellement de mandat, qui prendra effet le 1ᵉʳ septembre 2025, traduit une reconnaissance de ses efforts pour maintenir la pertinence de l’OMC dans un environnement marqué par la rivalité sino-américaine, l’inflation mondiale et les séquelles économiques de la pandémie de COVID-19. 

Au cours de son premier mandat, l’ancienne ministre des Finances et des Affaires étrangères du Nigeria s’est distinguée par son plaidoyer pour des réformes structurelles. Elle a notamment cherché à rendre les règles commerciales plus inclusives et à renforcer le rôle de l’OMC dans la gestion des crises mondiales, comme la pénurie de vaccins ou les subventions controversées à la pêche. Toutefois, certains observateurs critiquent le manque de résultats concrets sur des dossiers cruciaux, notamment la relance de l’Organe d’appel, paralysé depuis 2019 par le veto des États-Unis. 

Le retour de Trump, une épée de Damoclès sur le commerce mondial

L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2025 constitue un défi majeur pour Okonjo-Iweala. Connu pour ses positions protectionnistes et son mépris affiché pour les institutions multilatérales, le retour de l’ex-président américain pourrait raviver les guerres commerciales, en particulier entre les États-Unis et la Chine. Cette perspective risque de fragiliser davantage l’OMC, dont le rôle de régulateur impartial des différends commerciaux est déjà affaibli. 

Dans ce contexte, l’OMC devra redoubler d’efforts pour restaurer son Organe d’appel, bloqué depuis des années. Cet instrument, essentiel au règlement des différends, est au cœur des critiques américaines, qui accusent l’OMC d’empiéter sur les prérogatives nationales. Réussir à réactiver cet organe sera non seulement une priorité, mais également un test de l’habileté diplomatique de la dirigeante nigériane. 

Parallèlement, la conclusion des discussions sur les subventions à la pêche, entamées depuis près de deux décennies, restera un dossier prioritaire. Il en va de la crédibilité de l’organisation à apporter des solutions concrètes aux défis environnementaux et économiques. De même, l’OMC devra jouer un rôle moteur dans l’intégration économique africaine, notamment en soutenant la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), un projet qui pourrait transformer le commerce intra-africain mais qui nécessite une coordination étroite entre les institutions internationales et les gouvernements.