Kabkabiya, petite localité située à 180 kilomètres à l’ouest d’El-Fasher, capitale assiégée du Darfour-Nord, a été le théâtre lundi d’une tragédie d’une ampleur effroyable.
Un bombardement sur un marché hebdomadaire bondé a causé la mort de plus de 100 personnes et fait des centaines de blessés, parmi lesquels des femmes et des enfants.
Les frappes, menées au cœur d’une zone densément peuplée, ont plongé la région dans un chaos sans précédent. « Le bombardement a frappé alors que les habitants des villages voisins s’étaient rassemblés pour le marché », a déclaré l’organisation, dénonçant des attaques récurrentes ciblant des zones civiles. Cet événement, documenté par l’organisation Emergency Lawyers, illustre une nouvelle escalade de violence dans le conflit sanglant qui oppose l’armée soudanaise aux Forces de soutien rapide (FSR).
Depuis avril 2023, le Soudan est en proie à une guerre fratricide entre l’armée régulière, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les FSR, sous la houlette de l’ex-général Mohamed Hamdane Daglo. Cette confrontation, marquée par des dizaines de milliers de morts et plus de onze millions de déplacés, alimente une crise humanitaire parmi les plus graves de l’époque moderne, selon les Nations unies.
Le Darfour, région historiquement instable et stratégique, cristallise les tensions. En juillet dernier, un rapport soutenu par l’ONU révélait l’apparition de la famine dans un camp de réfugiés du Darfour-Nord, conséquence directe du blocus imposé par les FSR. Ce siège empêche l’accès à l’aide humanitaire et bloque les échanges commerciaux essentiels à la survie des populations.
Dans un communiqué publié mardi, l’armée soudanaise a catégoriquement rejeté toute responsabilité dans cette frappe meurtrière, qualifiant les accusations de « mensonges » orchestrés par les partisans des FSR. Elle affirme exercer son « droit légitime de défendre le pays » tout en dénonçant une campagne de désinformation.
Cependant, les images relayées par des groupes locaux, bien que non authentifiées par des observateurs indépendants, montrent des scènes de désolation : des corps calcinés, des débris éparpillés et des civils fouillant désespérément les ruines du marché.
Des attaques « aveugles » en hausse**
Le carnage de Kabkabiya n’est pas un cas isolé. À Nyala, capitale du Darfour-Sud, des frappes aériennes menées par des barils explosifs ont ciblé plusieurs quartiers ces derniers jours, selon Emergency Lawyers. Bien que ces attaques n’aient pas causé de pertes humaines immédiates, elles témoignent d’une intensification des bombardements sur des zones résidentielles.
Les avocats prodémocratie dénoncent une campagne d’escalade, marquée par des « frappes aveugles » contraires aux affirmations de l’armée selon lesquelles seules des cibles militaires seraient visées.
Dans ce climat de violence systémique, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a récemment publié un rapport accablant sur les exactions des FSR et de leurs milices alliées. Entre décembre 2023 et mars 2024, dans l’État du Kordofan-Sud, ces groupes armés auraient commis des crimes de guerre, notamment des meurtres, des viols et des enlèvements visant les résidents de l’ethnie Nouba.
Ces milices sont également accusées de pillages, de destructions de maisons et d’expulsions forcées, aggravant les souffrances d’une population déjà acculée par la guerre. HRW a exhorté la communauté internationale, notamment les Nations unies et l’Union africaine, à intervenir rapidement en déployant une mission de protection des civils.