Le 27 décembre 2024, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a prononcé sa première déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale.
Dès l'entame de son discours, Ousmane Sonko a dressé un bilan sévère de la gestion des mandats précédents. Il a en effet dénoncé plusieurs scandales qui, selon lui, ont entaché l’administration publique, en particulier dans le domaine de la gestion foncière. Le Premier ministre a évoqué des « graves scandales » liés à l’occupation illégale du domaine public maritime et à l’accaparement de terres par des sociétés écrans. Il a également révélé qu'un audit des ressources humaines avait révélé que près de 29 000 contractuels avaient été recrutés en dehors de la réglementation en vigueur, compromettant ainsi la transparence et l'efficacité de la gestion publique.
Le Premier ministre a ensuite exposé les contours de son programme de réformes, articulé autour de ce qu’il a qualifié de « sept ruptures majeures ». Ces ruptures, selon Sonko, visent à opérer une véritable révolution dans les secteurs économiques et administratifs du Sénégal. Le gouvernement prévoit ainsi l’abrogation de la loi d’amnistie du 6 mars 2024, un texte qui a été vivement critiqué pour ses implications en termes de justice sociale. « Il sera proposé à votre auguste assemblée un projet de loi rapportant la loi d’amnistie », a précisé Sonko, ajoutant que cette décision n’avait pas pour objectif une « chasse aux sorcières » mais de garantir une « justice véritable », socle indispensable de toute paix sociale durable.
Sonko a également annoncé un plan de transformation à long terme pour le Sénégal, s'étendant sur une période de 25 ans. Il a détaillé ce processus avec un « Masterplan de dix ans » et un « plan d’action quinquennal », des outils visant à ancrer les réformes dans une vision à la fois stratégique et opérationnelle. Cette planification, a-t-il insisté, rompt avec « la culture politicienne du saupoudrage de courte vue » qu’il estime avoir marqué les années précédentes, et qu'il souhaite faire disparaître au profit d'une gouvernance à long terme, pensée et structurée.
Dans le domaine économique, le constat d’Ousmane Sonko est alarmant. Le Premier ministre a déploré que, 64 ans après l’indépendance, le Sénégal soit resté « enfermé dans le modèle économique colonial ». Selon lui, l’économie nationale est caractérisée par un « énorme déficit de la balance commerciale » s’élevant à près de 5 300 milliards de francs CFA en 2023, soit près de 30 % du PIB. La croissance, quant à elle, reste modeste avec une moyenne de seulement 3,1 % depuis 1960, un chiffre jugé insuffisant au regard des défis économiques que le pays doit relever.
Pour y remédier, Ousmane Sonko propose une série de réformes visant à relancer l’économie, notamment en redéfinissant les politiques commerciales et industrielles, en encourageant les investissements étrangers et en diversifiant les secteurs porteurs. Il a insisté sur la nécessité d'une transformation en profondeur pour rompre avec les structures économiques héritées de la colonisation, et qui, selon lui, n'ont fait qu’entraver le développement du pays.
Des réformes culturelles et administratives
En matière culturelle, le gouvernement a d'ores et déjà entrepris des actions concrètes, à l'instar de l’adoption d’un décret sur la rémunération de la copie privée, prévu pour octobre 2024. Le rachat de la bibliothèque de l'ancien Président Léopold Sédar Senghor, qui avait été mise aux enchères, illustre également l'engagement du gouvernement à préserver et valoriser le patrimoine culturel sénégalais.
Par ailleurs, la réforme de l’administration publique figure parmi les priorités du gouvernement de Sonko. Ce dernier a annoncé des changements radicaux dans le fonctionnement de l’administration, promettant une abolition du clientélisme et la mise en place d’une « administration performante et moderne ». Cette administration sera fondée sur les principes de probité, d’intégrité et de transparence, et se concentrera sur l’amélioration de la qualité des services publics, loin des pratiques anciennes marquées par les réseaux de clientélisme et de favoritisme.
Sonko a aussi pris l'engagement d'ouvrir un dialogue social avec les organisations syndicales dès le début de l'année 2025. Une « situation de référence des revendications sociales » sera établie pour analyser les attentes des travailleurs et des citoyens, en vue de trouver des solutions concrètes et responsables. Cette approche marque un tournant dans la gestion des relations sociales, qui, selon le Premier ministre, doit reposer sur « un exercice de vérité et de responsabilité ».
La décentralisation sera un autre axe majeur du plan de transformation du gouvernement. Sonko a réaffirmé son engagement à faire reculer le centralisme en faveur d'une gestion de proximité. Des réformes profondes en matière de décentralisation, de fiscalité et de gestion budgétaire seront entreprises afin de renforcer l’autonomie des collectivités locales et d’assurer une meilleure répartition des ressources à travers le pays.
Dans son allocution, le Premier ministre n’a pas manqué de souligner l’ambition restaurée du Sénégal, tant au niveau national qu’à l’échelle continentale. Il a rappelé que le 2 avril 2024 marquait le début d’une ère nouvelle dans l’histoire du pays, une ère d’ambition renouvelée. Il a également salué la résilience du peuple sénégalais, qui a su préserver la démocratie malgré les défis. « Notre précieuse démocratie a vacillé, mais elle a tenu. Dieu merci ! » a-t-il déclaré, soulignant l'importance de la stabilité politique pour mener à bien les réformes nécessaires.