La Mauritanie a opéré une réorganisation militaire qui témoigne d'un éloignement stratégique vis-à-vis de l'Algérie. Ce remaniement s'inscrit dans un contexte de renforcement des relations entre Nouakchott et Rabat, et surtout, d'une résistance aux tentatives d'ingérence algérienne dans les affaires régionales.
Le 23 décembre 2024, le président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, a procédé à une réorganisation radicale de la hiérarchie militaire et sécuritaire du pays, en annonçant la nomination du général Mohamed Vall Ould Raïs au poste de chef d’état-major des forces armées. Ce dernier succède au lieutenant-général Mokhtar Bella Chaabane, désormais à la retraite. Un changement que les analystes jugent fondamental, non seulement pour ses implications stratégiques, mais aussi pour les dynamiques régionales qu'il entraîne.
Le général Ould Raïs, anciennement chef d’état-major adjoint, prend la tête de l’armée mauritanienne dans une période marquée par de nouvelles débâcle de l'Algérie sur la scène régionale et par des tensions croissantes. Les récentes incursions militaires algériennes, qui ont franchi la frontière mauritanienne — jusqu’à 90 kilomètres selon des sources bien informées —, ont été l’un des déclencheurs de ces ajustements. La coïncidence avec la visite non officielle du président Ould Ghazouani au Maroc a mis en lumière de nouvelles perspectives de coopération entre Rabat et Nouakchott, provoquant des réactions nerveuses de la part d'Alger.
Réorientation stratégique
La décision de réorganiser les hauts commandements militaires mauritaniens en Mauritanie, en particulier dans les secteurs du renseignement extérieur et du contrôle des frontières, s'inscrit dans une logique de renforcement de la stabilité interne face à la pression extérieure. Nouakchott veut consolider sa souveraineté, tout en modernisant son appareil sécuritaire pour contrer les menaces potentielles qui émanent des voisins immédiats.
La nomination du général Sidou Samba Dia à la tête du renseignement extérieur est l’un des signes les plus évidents de la volonté de la Mauritanie de se prémunir contre l’ingérence algérienne. Selon Mahmoud Ould Talba, président du Front populaire mauritanien, « l’Algérie a créé le Polisario pour satisfaire ses ambitions d’accès à l’océan Atlantique », une affirmation qui pointe directement les tentatives de l’Algérie d'étendre son influence à travers le soutien aux séparatistes sahraouis, au détriment des relations régionales.
La réorganisation de l'armée mauritanienne constitue ainsi une forme de résistance active aux manœuvres d'Alger. La nomination de nouveaux responsables dans les secteurs stratégiques vise à prévenir toute tentation de déstabilisation et à assurer la défense des intérêts nationaux. De plus, cette réorganisation intervient alors que la Mauritanie cherche à affirmer son rôle clé dans un nouvel ensemble régional, le bloc «3 3» (Maroc, Mauritanie, Sénégal/Portugal, Espagne, France). L’Algérie en est exclue.
Les relations entre le Maroc et la Mauritanie se sont considérablement renforcées ces dernières années, et les deux pays ont multiplié les initiatives de coopération. L'expertise marocaine, notamment en matière de sécurité et d'infrastructures, joue un rôle déterminant dans l'optimisation des capacités de défense de la Mauritanie. Les projets stratégiques communs, tels que le gazoduc Nigeria-Maroc et le port atlantique de Dakhla, s'inscrivent dans cette dynamique de coopération, marquée par des intérêts économiques et sécuritaires partagés.
De nombreuses voix, dont celle de la parlementaire mauritanienne Zainab bint El Teqi, ont exprimé leur enthousiasme pour la coopération maroco-mauritanienne : «Les relations avec le Maroc sont productives, fructueuses et prometteuses, et ne peuvent être affectées par les machinations de certaines forces rebelles», a affirmé El Teqi en soutenant le gouvernement de son pays face aux pressions algériennes. Pour cette député comme pour de nombreux acteurs qui comptent sur les scènes politique et économique en Maruritanie, le renforcement du partenariat avec le Maroc est hautement stratégique.
Par ailleurs, le remaniement militaire mauritanien ne se limite pas à des ajustements internes. Il répond également à des défis sécuritaires croissants, notamment dans la région du Sahel. La menace des groupes armés, l'instabilité au Mali et l'extension de la menace terroriste dans la région obligent la Mauritanie à renforcer ses dispositifs de défense, notamment le long de ses frontières vulnérables. En nommant des dirigeants expérimentés dans la gestion de la sécurité régionale, comme le colonel Mohamed El-Amin Mohamed Ablal à la tête du Collège de défense du Sahel, Nouakchott réaffirme son engagement à une coordination sécuritaire renforcée au sein du Sahel.
L'agression algérienne aux frontières mauritaniennes a mis en lumière l'importance d'une vigilance accrue. Le média mauritanien Anbaa Info a d’ailleurs vivement critiqué l’incursion algérienne, soulignant l’absurdité des explications algériennes qui évoquent une confusion entre chercheurs d'or et terroristes pour justifier une violation de la souveraineté mauritanienne.