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Lieux de pouvoirs

Vidéo. La journaliste et Prix Nobel Maria Ressa : «Zuckerberg va permettre aux mensonges d'infecter chaque personne sur Facebook»

Maria Ressa
Maria Ressa
Mamadou Ousmanne
08/01/2025 à 13:35 , Mis à jour le 08/01/2025

La journaliste philippine et prix Nobel de la paix Maria Ressa a mis en garde mercredi contre une "époque extrêmement dangereuse" pour le journalisme après la décision de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) de cesser ses opérations de fact-checking aux Etats-Unis.

"Mark Zuckerberg dit que c'est pour des questions de liberté d'expression. C'est complètement faux", assure Ressa dans un entretien à l'AFP, redoutant "une époque extrêmement dangereuse à l'avenir" pour le journalisme.

Prix Nobel de la paix en 2021, la journaliste philippine Maria Ressa est une figure de proue de la lutte contre la désinformation.

Elle a cofondé en 2012 la plateforme numérique de journalisme d'investigation Rappler, un média qui a braqué les projecteurs sur les violences liées à la campagne antidrogue lancée par l'ancien président philippin Rodrigo Duterte.

"Ce n'est que si vous êtes motivé par le profit que vous pouvez prétendre cela, que si vous voulez du pouvoir et de l'argent que vous pouvez prétendre cela. Il est question ici de sécurité", a-t-elle ajouté.

Meta a annoncé mardi qu'il mettait fin à son programme de fact-checking aux Etats-Unis pour le remplacer par un système de notes de contexte, semblable à celui qu'utilise X.

Au lieu de faire appel à des organisations indépendantes pour lutter contre la désinformation, Elon Musk, propriétaire de X, a mis en place ces fameuses notes, rédigées par des utilisateurs quand ils estiment qu'une information nécessite une recontextualisation.

Selon Mark Zuckerberg, "les fact-checkers ont été trop orientés politiquement et ont plus participé à réduire la confiance qu'ils ne l'ont améliorée, en particulier aux Etats-Unis".

Depuis des années, Donald Trump critique sévèrement Meta, accusant le géant de partialité à son égard, et menaçant de prendre des mesures de rétorsion à l'égard de son patron, une fois investi fin janvier.

"Ce que Facebook va faire, c'est se débarrasser de cela et permettre aux mensonges, à la colère, à la peur et à la haine d'infecter chaque personne sur la plateforme", et ces mesures pourraient conduire, à terme, à un "monde sans faits".

Le site Rappler de Ressa ainsi que l'AFP, comme plus de 90 autres organisations de fact-checking, sont payées par Meta pour vérifier les articles qui contiennent potentiellement de fausses informations.

L'AFP, par exemple, participe plus précisément à un programme de fact-checking, dans plus de 26 langues, développé par Facebook, qui rémunère plus de 80 médias à travers le monde pour utiliser leurs "fact-checks" sur sa plateforme, sur WhatsApp et sur Instagram.

 

Les contenus considérés comme "faux" sont alors relégués dans les flux d'information de façon à ce que moins de personnes les voient et que si l'une d'entre elles essaie de partager un tel message avec d'autres utilisateurs, ces derniers reçoivent un article expliquant pourquoi il est trompeur.

Selon une étude de 2023 de l'International Fact-Checking Network (IFCN), un réseau international de 137 organismes de fact-checking dont fait partie l'AFP, le programme de Meta constituait des "sources de revenus importantes" pour les acteurs du secteur.

Rappler a néanmoins indiqué dans un communiqué son intention de continuer à travailler avec Facebook "pour protéger les Philippins de la manipulation et des dangers de la désinformation".

"Il s'agit d'une année charnière pour la survie du journalisme" et "ce qui s'est passé aux Etats-Unis n'est qu'un début", alerte Ressa.