Alors que l’Afrique cherche à renforcer sa place dans l’économie mondiale, un nouveau rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) met en lumière les moyens de transformer les vulnérabilités économiques du continent en atouts pour l’avenir.
Le Rapport 2024 sur le développement économique en Afrique, présenté à Genève par Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la CNUCED, et Souleymane Diarrassouba, ministre ivoirien du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des PME, révèle l’ampleur du potentiel inexploité du continent.
Avec la mise en œuvre intégrale de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), le commerce intra-africain pourrait atteindre 3 400 milliards de dollars, réduisant ainsi la dépendance aux marchés extérieurs et renforçant la stabilité économique du continent. Mais pour y parvenir, des réformes audacieuses, des investissements massifs et une meilleure coopération régionale seront nécessaires.
Vulnérabilité
L’économie africaine, bien que dynamique, demeure particulièrement exposée aux fluctuations du commerce mondial. Près de la moitié des pays du continent tirent plus de 60 % de leurs revenus d’exportation du pétrole, du gaz ou des minerais, les rendant ainsi vulnérables aux variations des cours des matières premières.
Autre défi majeur : le déficit d’infrastructures, qui fait grimper les coûts du commerce en Afrique de 50 % au-dessus de la moyenne mondiale. L’insuffisance des réseaux de transport, d’énergie et de télécommunications entrave la compétitivité des entreprises et freine l’essor du secteur privé.
Les petites et moyennes entreprises (PME), qui génèrent 80 % des emplois en Afrique, peinent à se développer en raison d’un accès limité au financement et d’une forte instabilité monétaire. Sans mesures adaptées, ces difficultés risquent de ralentir la diversification économique indispensable à la résilience du continent.
Intégration régionale
Si l’Afrique veut tirer parti de son immense potentiel, elle doit impérativement renforcer le commerce entre ses propres frontières. Actuellement, les échanges intra-africains ne représentent que 16 % des exportations du continent, un chiffre bien en deçà de ceux de l’Europe (68 %) et de l’Asie (59 %).
La ZLECAf, qui vise à créer un marché unique regroupant plus de 1,4 milliard de consommateurs, pourrait changer la donne. En facilitant la circulation des biens, en harmonisant les réglementations et en réduisant les barrières douanières, elle ouvrirait la voie à une intégration économique plus poussée et à une industrialisation accrue.
Mais pour concrétiser cette ambition, il faudra des investissements massifs dans les infrastructures, une modernisation des procédures commerciales et des incitations fiscales pour stimuler la production locale. Une telle dynamique permettrait d’atténuer l’impact des crises extérieures et de stabiliser les sources de revenus du continent.
Principaux défis
Pour faire face aux défis économiques qui freinent son essor, l’Afrique doit mettre en place des stratégies capables de transformer ses vulnérabilités en moteurs de croissance. Le rapport de la CNUCED souligne l'importance d’une industrialisation soutenue, en misant sur des incitations fiscales et des crédits accessibles qui favoriseraient la production locale et la transformation des matières premières sur le continent.
Mais industrialiser ne suffit pas si les risques économiques restent mal maîtrisés. Le renforcement des mécanismes de gestion des crises est tout aussi essentiel. Il s’agit de doter les États de dispositifs d’alerte précoce et de fonds de stabilisation régionaux capables d’atténuer les chocs extérieurs. Cette approche permettrait d’éviter que les fluctuations des marchés internationaux ne se traduisent par des crises profondes aux conséquences sociales et économiques durables.
Le développement du secteur privé passe également par un accès plus fluide aux financements. Trop souvent, les PME africaines peinent à obtenir des ressources adaptées à leurs besoins, ce qui freine leur expansion. Un effort concerté pour élargir les outils financiers disponibles et encourager les investissements dans des secteurs clés pourrait inverser cette tendance et renforcer la compétitivité du tissu entrepreneurial.
Quoi qu’il en soit, aucune transformation économique durable ne peut se faire sans infrastructures solides. Routes, ports, réseaux énergétiques et numériques : autant d’éléments indispensables pour fluidifier les échanges, réduire les coûts logistiques et intégrer plus efficacement les marchés régionaux. Sans cet effort, l’ambition d’un marché africain unifié restera théorique, freinée par des obstacles matériels qui entravent le commerce et l’investissement.
À travers ces orientations, la CNUCED propose une voie pour bâtir une Afrique plus résiliente, moins dépendante des cycles économiques mondiaux et mieux armée pour relever les défis du XXIᵉ siècle.
Résilience
L’Afrique possède tous les atouts pour devenir un acteur majeur du commerce mondial. Avec sa population jeune et dynamique, son immense potentiel en ressources naturelles et une volonté politique de renforcer son intégration régionale, le continent a l’opportunité de bâtir une économie plus résiliente et compétitive.
Le Rapport 2024 sur le développement économique en Afrique de la CNUCED ne se contente pas de dresser un état des lieux des défis actuels. Il offre une feuille de route concrète pour un avenir où le continent ne subirait plus les crises économiques mondiales, mais les anticiperait et les transformerait en opportunités.
Si les réformes recommandées sont mises en œuvre, l’Afrique pourrait non seulement renforcer sa souveraineté économique, mais aussi jouer un rôle clé dans la redéfinition des équilibres commerciaux mondiaux. Un défi ambitieux, mais à la hauteur de ses aspirations.