Quand un lieu restauré, transformé en musée qui plus est, sent l’histoire et que ses murs rénovés redeviennent le reflet de sa séculaire mémoire, les visiteurs mesurent alors à quel point l’architecte restaurateur a réussi son dur labeur. C’est ce sentiment qui ressort le plus des impressions que Pouvoirs d'Afrique a recueillies avec Medradio, jeudi 27 février, auprès des premiers visiteurs de la Villa Carl Ficke juste après son inauguration officielle. Tous soulignent le besoin qu’avait la capitale économique d’un tel édifice mémoriel.
Salima Naji, l’architecte restauratrice de la Villa Carl Ficke, a été submergée d’éloges tant son artistique minutie force l’admiration. Inspirée anthropologiquement par la connaissance approfondie de ce monument pré-colonial ressuscité, et de son histoire qu’elle a puisée auprès de certains membres de la famille même de Carl Ficke, elle a su redonner leur authentique vie à ses murs qui tombaient, il y a peu, en ruine.
Salima Naji signe ainsi une autre "œuvre magnifique (qui) illustre avec talent et responsabilité cette capacité d’insertion de l’architecture dans le respect du lieu", pour reprendre les mots de la présidente de l'Académie Catherine Jacquot quand l’architecte s’est vu décerner, le 18 septembre dernier, La Grande Médaille d’Or de cette Académie.
Avec la même passion qui déferle de ses mots quand elle parle des sites patrimoniaux multiséculaires que l’architecte-anthropologue a l’habitude de ressusciter, l’auteure notamment de « Architecture du bien commun, pour une éthique de la conservation » répondait aux questions des curieuses et des curieux avec générosité. À travers ses mots, on pouvait aisément deviner le riche négociant allemand qu’était Carl Ficke admirant l’océan du haut de sa villa du temps où Casablanca donnait encore à voir, de loin, ses joliesses.
En traversant à ses côtés les couloirs, on parcourait les époques. À la plus glorieuse, succédait une autre, malheureuse, avec la liquidation de Carl Ficke, personnage influent devenu alors encombrant pour les colons français. Sa villa, conçue au début du XXe siècle par l’architecte autodidacte à la fibre néo-mauresque Ulysse Tonci, lui survivra. Cette résidence bourgeoise deviendra, tour à tour, lieu de détention du temps du protectorat français, ensuite lieu d’accueil d’enfants malades de toutes nationalités avant de devenir annexe de collège Khnata Bent Bekkar pour jeunes filles casablancaises dans sa plus récente métamorphose en date. Une vraie odyssée qui trouve aujourd’hui son aboutissement par cette transformation, réussie, en haut lieu de la mémoire et de la culture. La Villa Carl Ficke s’érige désormais en un musée dédié à l’histoire de Casablanca. La capitale économique en avait grand besoin.
Venue de la lointaine Tiznit où elle habite depuis bientôt 20 ans pour être plus proche des sites qu’elle restaure, Salima Naji était émue de vivre ce nouveau moment marquant. Elle affirme que la Maison Carle Ficke a tant de choses à dire et voici ce qu’elle-même en dit :
Le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, était présent à la cérémonie d’inauguration aux côtés du wali de la région Casablanca-Settat, Mohamed Mhidia, de la présidente du Conseil de la commune de Casablanca, Nabila Rmili, et du président de la Fondation nationale des musées (FNM). Mehdi Qotbi était tout heureux de voir la gestion du nouveau musée confiée à la Fondation qu’il dirige.
En prenant la parole, le ministre a salué « une restauration exemplaire, qui illustre l’engagement du Royaume en faveur de la préservation de sa mémoire urbaine ». Mohamed Mehdi Bensaid souligne à notre média l’importance d’un Musée dédié à l’histoire de la capitale économique pour montrer sa profondeur historique.
De son côté, la Maire a insisté sur « l’importance de ce projet pour la mise en valeur du patrimoine architectural de Casablanca ». Plusieurs personnalités du monde de la culture et de l’histoire étaient également présentes, soulignant l’impact symbolique de cette réhabilitation. Pour immortaliser cette restauration salutaire, Salima Naji annonce son intention de publier un livre dédiée à la Villa Carl Ficke.