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L'Interview

Issa Martin Bikienga : « En Afrique de l'Ouest, la sécurité alimentaire est contrariée »

Issa Martin Bikienga
Issa Martin Bikienga
Entretien réalisé par Mounia Kabiri Kettani
20/10/2023 à 17:20 , Mis à jour le 20/10/2023
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La sécurité alimentaire en Afrique de l'Ouest fait face à d'importantes contraintes. L’ancien ministre de l’agriculture au Burkina Faso, Issa Martin Bikienga, aujourd’hui consultant au développement rural, partage son expertise et ses idées pour relever ces défis. Entretien.

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Quel regard portez-vous sur la problématique de sécurité alimentaire particulièrement en Afrique de l'Ouest ?

Issa Martin Bikienga : C'est une question d'une importance extrême. Dans un pays, tant que la question de la sécurité alimentaire n'est pas résolue, un problème majeur persiste. L'alimentation fait partie des droits fondamentaux de l'homme, et un dirigeant politique digne de ce nom se doit de garantir l'accès de sa population à l'alimentation. Actuellement en Afrique de l'Ouest, la sécurité alimentaire est contrariée. Elle est entravée par trois facteurs principaux, que nous pouvons résumer par les trois "C". Le premier "C" est lié à la pandémie de Covid-19, qui a entraîné une hausse considérable des coûts des importations alimentaires. De nombreux pays africains en dépendent fortement, notamment de céréales provenant d'Europe ou d'Asie, et la crise sanitaire a freiné ces importations. Le deuxième "C" concerne le changement climatique, un phénomène universel qui a des impacts particulièrement graves sur les pays du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest. Ces régions sont exposées à des inondations, des sécheresses, ce qui rend l'agriculture extrêmement difficile et met en péril la sécurité alimentaire. Enfin, le troisième "C" est lié aux conflits armés. Ces conflits provoquent des déplacements massifs de populations, affectant des millions de personnes et entraînant la mise en friche de terres qui ne peuvent pas être exploitées. Cela réduit les capacités de production alimentaire de ces régions.

Comment s’en sortir selon vous ?

En somme, il existe cinq piliers sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour progresser vers la sécurité alimentaire. Tout d'abord, il s'agit de réaffirmer la volonté politique en faveur de la sécurité alimentaire et de la souveraineté alimentaire. La souveraineté alimentaire doit être inscrite dans la constitution de chaque pays et intégrée dans les politiques publiques et agricoles.

Ensuite, nous devons nous concentrer sur la transformation de l'agriculture africaine. L'objectif est d'intensifier la production et d'améliorer la productivité pour répondre à la demande alimentaire croissante. De plus, des mesures de protection sont nécessaires pour préserver la production locale contre les produits importés qui pourraient la menacer. Le quatrième pilier concerne l'agriculture familiale, qui fournit des produits traditionnels, sains et durables. Enfin, nous préconisons la promotion de l'agroécologie, un système de production durable visant à renforcer la résilience de l'ensemble du système de production."

Comment l'intégration régionale pourrait-elle contribuer à relever ce défi ?

L'intégration régionale est une étape cruciale pour le développement de l'Afrique de l'Ouest. Aucun pays ne peut s’en sortir tout seul. Actuellement, il existe plusieurs organisations régionales, mais cette intégration n'est pas effective, ce qui constitue un défi. Il est impératif que nous parvenions à renforcer cette intégration. Ensemble, nos chances de réussite sont bien plus grandes."

Et qu’en est-il de la ZLECAF ?

C'est un exemple. Bien que le projet soit encore à ses débuts, de nombreux pays africains n'ont pas encore rejoint cette initiative. Cependant, ceux qui l'ont déjà fait commencent à en ressentir les premiers effets, car les échanges commerciaux sont facilités au profit des pays participants. Nous espérons que d'autres pays suivront avec le temps.

Que pensez-vous du modèle agricole marocain ?

Le Maroc peut beaucoup apporter au développement de l’agriculture en Afrique. Le pays possède une expertise considérable dans ce domaine. Et les pays d'Afrique de l'Ouest ont beaucoup à ont beaucoup à apprendre du Maroc de l'expérience marocaine. Nous souhaitons encourager les échanges afin que nos étudiants puissent observer et apprendre du système de production marocain. De manière encore plus significative, nous aimerions que nos leaders agricoles viennent s'inspirer de l'expérience marocaine. L'idéal serait d'établir un véritable partage d'expérience entre le Maroc et les pays d'Afrique de l'Ouest.



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