La mise en œuvre de la carte nationale d’identité biométrique de la CEDEAO commence à se faire plus concrète ? Pas tant que ça…
On ne compte plus le nombre de fois où les services d’immigration des pays membres de la CEDEAO se sont réunis pour faire le point et accélérer la mise en œuvre de ce chantier destiné à harmoniser la circulation des personnes. Il s’agit avant tout de promouvoir le développement des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté. À ce jour, seuls six États membres – le Sénégal, la Guinée-Bissau, le Ghana, le Bénin, la Gambie et la Sierra Leone – des quinze que compte l'organisation régionale, ont déployé la carte nationale d’identité biométrique de la CEDEAO.
L’éventualité d’une carte CEDEAO baptisée ENBIC, servant de document de voyage et de permis de résidence aux ressortissants des 15 pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, a été décidée officiellement en 2014, conformément à la décision de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO. Dix années se sont écoulées. Voilà donc une décennie que l’Afrique de l’Ouest tente d’instaurer en son sein un espace de libre circulation des personnes. Sa mise en œuvre à l’échelle de l’espace intergouvernemental se heurte à plusieurs défis logistiques, sécuritaires et politiques.
En réalité, les prémices d’un tel projet ont germé quelques années plus tôt. Le 30ème Sommet ordinaire des Chefs de Gouvernement de la CEDEAO avait mandaté, dès 2006, la Commission pour définir une approche commune des États membres sur la migration. Une ambition politique qui reflète l’esprit du traité fondateur de la Communauté économique des États de l'Afrique de l’Ouest, qui, dès 1975, pose la liberté de circuler comme l’un de ses principes fondateurs.
Enjeu économique
L’Afrique de l’Ouest est caractérisée par d’importantes migrations internes, la libre circulation des personnes étant vitale pour l’intégration régionale et son développement économique. La plupart des migrants originaires des pays d'Afrique de l'Ouest restent dans la région. En effet, en 2020, selon l’Organisation internationale pour les migrations, les deux tiers des migrants originaires de la région vivaient dans un autre pays d'Afrique de l’Ouest.
La récente réunion qui s’est déroulée fin septembre à Banjul a mis en avant la nécessité de promouvoir la collaboration entre les États membres pour relever les défis de la migration et améliorer leur capacité à obtenir des données correctes concernant les citoyens.
En effet, la première difficulté à laquelle s’est heurtée la mise en œuvre de l’ENBIC est l’immense défi de l’état civil. Prenons l’exemple du Togo, où 31 % des enfants vivant en zone rurale n’ont pas d’actes de naissance. Quant à la Côte d’Ivoire, les autorités mettent les bouchées doubles pour inscrire au registre toute la population ivoirienne.
Une série de recommandations ont été formulées à l’issue de la réunion, parmi lesquelles le renforcement du Système d’information de la police de l’Afrique de l’Ouest (SIPAO) afin d’améliorer le partage des données entre les services d’immigration, ainsi que la création d’une base de données complète d’enregistrement électronique pour une gestion efficace des migrations.
L’engagement à faciliter la création d’une Afrique de l'Ouest unifiée s’est fragilisé ces derniers mois. Au début de l’année 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur retrait «sans délai» de l’organisation économique régionale, mais les textes de la CEDEAO prévoient qu’une demande doit être déposée par écrit, au moins un an avant. Les trois États ont depuis décidé de mener leur barque en créant l’Alliance des États du Sahel (AES) et annoncé dans le même temps le lancement prochain d’un nouveau passeport biométrique de l’AES. «Il sera mis en circulation dans le but d'harmoniser les documents de voyage dans notre espace commun et de faciliter la mobilité de nos citoyens à travers le monde», a annoncé le président malien de la Transition, le colonel Assimi Goïta.