La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a commencé son retrait vendredi, marquant la fin d'un effort de maintien de la paix de 11 ans.
Après plus d'une décennie d'opérations sur le sol malien, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) s’apprête à fermer ses portes. Déployée en 2013 par le Conseil de sécurité de l'ONU, cette mission, qui comptait jusqu’à 15 000 membres, avait pour objectif d’aider le Mali à faire face à une insurrection djihadiste persistante, amplifiée par des groupes affiliés à Al-Qaïda, à l’État islamique (EI) et des mouvements séparatistes dans le nord. Dimanche prochain, son camp principal à Bamako sera officiellement transféré à la junte militaire malienne, marquant la fin d’une mission qui laisse derrière elle des questions lourdes de conséquences pour la stabilité du pays.
La décision de mettre fin à la Minusma a été actée en juin 2023, à la suite d’une requête explicite de la junte malienne au Conseil de sécurité. Celle-ci invoquait un "manque de confiance" à l’égard des Casques bleus et dénonçait leur inefficacité supposée face à la menace djihadiste. Le Conseil de sécurité de l’ONU, réuni à cette occasion, a approuvé à l’unanimité le retrait de la mission, entérinant ainsi la volonté souveraine du Mali.
Depuis 2020, le pays est dirigé par une junte militaire sous l’autorité du colonel Assimi Goïta, artisan du renversement de l’ancien président élu, Ibrahim Boubacar Keïta. Ce coup d’État avait été justifié par une prétendue incapacité du gouvernement à contenir l’avancée des insurgés islamistes. En rupture avec ses anciens partenaires occidentaux, la junte a tourné son regard vers la Russie, nouant des alliances stratégiques qui ont conduit à l’arrivée sur son sol de mercenaires du groupe Wagner, un acteur controversé soutenu par le Kremlin.
Une mission controversée et aux résultats mitigés
La Minusma, née dans un contexte d’instabilité politique aiguë après le coup d’État de 2012 et l’effondrement des institutions maliennes, avait pour mandat de rétablir l’ordre, de soutenir les accords de paix d’Alger et de combattre la montée de la violence extrémiste. Cependant, son action a souvent été critiquée, tant sur le plan national qu’international.
Selon Ulf Laessing, responsable du programme régional Sahel à la Fondation Konrad Adenauer, plusieurs facteurs expliquent les limites de cette mission : des contraintes budgétaires importantes, une coordination insuffisante avec les forces armées maliennes et une perception grandissante de la Minusma comme un outil d’influence occidentale. Ces obstacles ont nourri le sentiment de méfiance de la population malienne à l’égard des forces onusiennes, renforçant ainsi l’adhésion au discours souverainiste de la junte.
Le départ progressif des troupes onusiennes s’inscrit dans un contexte de recrudescence des attaques terroristes et d’une instabilité persistante dans le pays. En septembre 2024, une attaque coordonnée contre une académie de police et une base militaire à Bamako a causé la mort de près de 80 personnes, illustrant la fragilité sécuritaire du Mali malgré les discours rassurants des autorités.
La Minusma, composée de personnel provenant de 53 pays, dont 19 africains, a été une force multilatérale sans équivalent dans la région. Son retrait laisse un vide stratégique majeur, tandis que l’armée malienne, malgré ses ambitions affichées, peine à endiguer la résurgence des violences. Pour certains observateurs, ce départ pourrait exacerber les tensions locales et permettre aux groupes djihadistes de consolider leur influence.