Au cours de la dernière décennie, les pays ont favorisé la dette privée au détriment de la dette bilatérale. La dette commerciale, incluant obligations et emprunts privés, constitue désormais 43% de l'encours total, en hausse de 17% depuis 2000 grâce à l'essor des euro-obligations.
La dette extérieure des pays africains atteindra un niveau record de 89,4 milliards de dollars en 2024, compromettant leur capacité à financer des secteurs prioritaires tels que l’éducation, la santé et la lutte contre le changement climatique. Selon un rapport de l’ONU publié le 14 novembre, cette hausse alarmante résulte principalement des taux d’intérêt élevés imposés par les marchés financiers internationaux.
Le coût du service de la dette, qui a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, consomme une part croissante des recettes publiques. Par exemple, entre 2017 et 2022, l’Égypte et le Ghana ont consacré, en moyenne, 42 % de leurs revenus fiscaux au paiement des intérêts de leur dette. Cette tendance limite drastiquement les investissements publics, exacerbée par des crises globales récentes, telles que la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine. Ces événements ont réduit l'accès de l'Afrique aux capitaux internationaux tout en alourdissant les charges financières, poussant 21 pays à faible revenu du continent vers le surendettement.
En 2022, 22 pays africains ont dépensé davantage pour le service de leur dette extérieure que pour la santé, tandis que 6 ont consacré plus de ressources à ce poste qu’à l’éducation. Ce détournement des fonds entrave la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) et affaiblit les efforts pour améliorer les infrastructures de base et le bien-être social.
Au fil des décennies, la dette extérieure africaine a évolué. En 2022, elle a atteint 656 milliards de dollars, soit 28 % du PIB du continent. La dette privée, notamment via l’émission d’euro-obligations, représente désormais 43 % de l’encours total, contre seulement 25 % pour la dette bilatérale, qui a chuté de 52 % depuis 2000. Cette diversification des créanciers complique davantage la restructuration des dettes, aggravée par des mécanismes internationaux obsolètes.
Quels leviers pour une sortie de crise
Face à ces difficultés, certains États africains ont opté pour des emprunts intérieurs afin de réduire leur dépendance aux créanciers externes. Bien que cette approche offre plus d’autonomie et limite les fluctuations liées aux taux d’intérêt internationaux, elle engendre des coûts élevés, des échéances plus courtes et une pression accrue sur le secteur privé.
Le rapport insiste sur la nécessité de réformer l'architecture financière internationale pour mieux répondre aux besoins d'investissement des pays africains dans les ODD et l’Agenda 2063 de l'Union africaine. Il prône également une mobilisation accrue des ressources domestiques grâce au développement des marchés de capitaux locaux, garantissant ainsi une gestion plus efficace et durable des finances publiques.
Ainsi, sans un rééquilibrage global des mécanismes de financement, l'Afrique continuera à porter le poids d'une dette écrasante, menaçant son développement à long terme.