La tension diplomatique entre le Nigéria et Niger continue de s’effriter. Ainsi, le gouvernement nigérian a démenti avec vigueur les accusations formulées par le général Abdourahamane Tiani, président du Niger, concernant une présumée collusion avec la France visant à déstabiliser son pays. Ces déclarations, relayées mercredi 25 décembre lors d’un entretien accordé à la chaîne nigérienne Télé Sahel, ont suscité une réaction immédiate et ferme d’Abuja.
Dans un communiqué signé par le ministre de l’Information, Mohammed Idris, le Nigeria qualifie ces accusations de « sans fondement » et les relègue au « domaine de l’imagination ». « Le Nigeria n’a jamais conclu d’alliance ouverte ou secrète avec la France – ou tout autre pays – pour parrainer des attaques terroristes ou déstabiliser la République du Niger », affirme le texte, tout en rappelant l’engagement historique du pays en faveur de la stabilité régionale.
Le général Tiani avait affirmé que le Nigeria hébergeait une base terroriste à Lakurawa, dans l’état de Sokoto, en collaboration avec la France. Ces accusations surviennent dans un contexte de relations déjà tendues entre le Niger et plusieurs pays de la région, notamment depuis le coup d’État ayant porté Tiani au pouvoir en juillet 2023.
Abuja a riposté en soulignant son rôle actif dans la lutte contre le terrorisme, citant notamment l’opération « Forest Sanity III », récemment menée pour neutraliser les menaces dans la région de Lakurawa. « Ces accusations sapent les efforts régionaux pour lutter contre une menace commune et ne reposent sur aucun élément probant », a déclaré un responsable de la sécurité à Abuja sous couvert d’anonymat.
Soutien de la CEDEAO
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a apporté un soutien clair au Nigeria, qualifiant ces accusations d’« infondées ». Dans un communiqué publié jeudi, l’organisation régionale a rappelé les « récents succès » de la Force multinationale mixte (MNJTF), dirigée par le Nigeria, dans la lutte contre le terrorisme.
« Insinuer qu’un pays aussi généreux et magnanime puisse devenir un État parrain du terrorisme est absurde et irresponsable », déclare le texte de la CEDEAO, qui appelle tous les États membres à s’abstenir de « déclarations incendiaires non soutenues par des preuves ».
Le président nigérian Bola Ahmed Tinubu, par ailleurs président en exercice de la CEDEAO, maintient une ligne ferme contre les coups d’État dans la région, mais reste ouvert au dialogue. Son gouvernement plaide pour une coopération régionale renforcée, citant comme exemples le projet de gazoduc transsaharien et la ligne ferroviaire Kano-Maradi, prévus pour favoriser l’intégration économique et la stabilité.
Au-delà des démentis, Abuja semble vouloir repositionner le débat sur les questions stratégiques de la région. En renforçant sa coopération bilatérale avec ses voisins, le Nigeria espère réaffirmer son rôle de leader régional. Le gouvernement a rappelé qu’il ne tolère pas la présence de bases militaires étrangères sur son sol, un positionnement cohérent avec son refus de devenir un terrain de jeu pour des puissances étrangères.
« Ces allégations risquent de créer un climat de méfiance nuisible aux efforts collectifs contre le terrorisme », a ajouté Mohammed Idris, appelant à un retour au dialogue.
En dépit des tensions, les observateurs notent que le Nigeria continue de travailler à des initiatives transfrontalières, notamment en matière d’énergie et d’infrastructures, pour renforcer l’intégration économique de la région. Toutefois, le débat sur les accusations portées par le général Tiani pourrait fragiliser cette dynamique si des solutions diplomatiques rapides ne sont pas trouvées.