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Ainsi va l’Afrique

Afrique. Une dangereuse hémorragie cérébrale

La fuite des cerveaux continue - Illustration Dall-E
La fuite des cerveaux continue - Illustration Dall-E
Dina Bendriss
10/10/2024 à 10:19 , Mis à jour le 10/10/2024

«Si tout le monde part, qui va rester pour s’occuper du pays et faire changer les choses?», s’inquiète Vanessa Aboudi, doctorante à l’Université de Yaoundé au Cameroun et analyste à l’Institut politique Nkafu. Ce cri de cœur mérite réflexion.

Parmi les milliers d‘étudiants qui vont en Europe et en Amérique du Nord chaque année, nombreux sont ceux qui choisissent de rester dans leurs pays d’accueil après leurs études. Lors d'un forum à Oxford, organisé cet été, des intervenants ont souligné que de nombreux talents africains contribuent à l'économie des pays d’accueil où ils ont étudié, ce qui a un impact négatif sur le développement de leur continent d'origine, qui se vide désespérément de ses forces les plus vives. Les chiffres sont alarmants. 

Entre 2015 et 2020, environ 39 000 ingénieurs ont décidé de s'expatrier, selon les données de l'Institut national de la statistique tunisienne. Le professeur d'économie à l'Université de Sfax, Kaies Samet, met en garde contre un véritable sentiment de désespoir. Au Sénégal, le manque de places dans le système de santé public pousse également les jeunes médecins à chercher des opportunités à l'étranger, comme l'indique Bara Ndiaye, doyen de la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie de Dakar.

Pour y faire face, de plus en plus de pays mettent en place des mécanismes pour séduire leurs jeunes diasporas installées en Europe ou en Amérique du Nord. Car se sont bien les pays de départ qui forment les futurs diplômés, mais ce sont bien les pays d’accueil qui récoltent les fruits économique d’un tel phénomène. Le coût de la formation des médecins qui émigrent en Afrique anglophone est estimé à 1,5 milliard d'euros, tandis que les pays d'accueil, comme le Royaume-Uni, bénéficient de gains de 2 milliards d'euros.

Et ce sont malheureusement les pays africains les moins développés qui souffrent le plus des conséquences néfastes de ce phénomène. Parmi les pays les plus concernés figurent le Cap-Vert, la Gambie ou encore l’île Maurice. Ce phénomène touche particulièrement les professionnels qualifiés, tels que les ingénieurs, médecins et spécialistes de la finance, qui quittent leur pays pour des terres promises à l'étranger. Résultat : à ce jour, l’Afrique compte 169 chercheurs pour un million d’habitants contre 742 en Asie, 2.728 dans l’Union européenne et 4.654 en Amérique du nord. Par ailleurs, seule 3% de la population africaine est diplômée de l’enseignement supérieur. 

Pourtant, sur le terrain, plusieurs études relèvent un retour croissant des diplômés africains formés à l'étranger vers leur continent, attirés par de nouvelles opportunités. Une étude de 2013, réalisée par Jacana Private Equity Africa, indique que 70 % des diplômés africains retournent travailler dans leur pays d’origine, motivés par les perspectives offertes sur le continent et les difficultés liées à l'emploi à l'étranger, où le marché du travail est de plus en plus saturé. Mais les partants demeurent beaucoup plus nombreux que les revenants. Cette hémorragie cérébrale serait-elle incurable ?