Le projet est tout simplement remarquable. Il permet à 53 bustes d'anciens captifs africains, conservés depuis 80 ans dans les réserves du château royal de Blois, de retrouver leur identité.
Grâce aux recherches de l'historienne Klara Boyer-Rossol, des bustes octogénaires, datant du XIXe siècle, deviennent des témoins de l’histoire de l’esclavage.
Pendant six ans, Boyer-Rossol a étudié les carnets de l’ethnographe Eugène Huet de Froberville, qui a réalisé ces bustes en 1846 à partir de captifs déportés d'Afrique orientale vers l'île Maurice. "J'ai pu croiser les informations présentes sur les bustes pour identifier presque tous les individus", explique-t-elle à l'AFP.
Tous les captifs, y compris une femme, proviennent principalement du Mozambique et de la Tanzanie. Ils ont été réduits en esclavage à l'île Maurice entre 1810 et 1830, dans le cadre de la traite illégale. Certains d’entre eux, appelés les "Lily" d'après le navire britannique qui les a sauvés après l'abolition de l'esclavage en 1840, étaient considérés comme des "Africains libérés".
Eugène Huet de Froberville, abolitionniste engagé, a utilisé différentes stratégies pour convaincre les anciens esclaves de se soumettre à la confection des masques en plâtre, un processus potentiellement douloureux, impliquant l’arrachage de cils et de cheveux.
L'exposition "Visages d'ancêtres", présentée au château de Blois jusqu'au 1er décembre, permet aux visiteurs de découvrir des récits comme celui de João, né vers 1810 dans la région des Nyungwe. Vendu par sa famille, il a été capturé et déporté avant d'être libéré et engagé comme travailleur libre à Maurice.
Klara Boyer-Rossol se réjouit de "redonner un morceau d'histoire" à ces bustes, qui conservent même des restes organiques comme des cheveux. Mieux encore, des descendants de ces captifs ont été retrouvés, continuant à porter le nom des Lily, comme Doris Lily, qui a pu retracer l’histoire de ses ancêtres.
"C'est très émouvant de découvrir d'où viennent nos ancêtres", confie-t-elle, soulignant l'importance de cette recherche pour comprendre l'origine de leur nom. Son fils, Maxwell, ajoute que cela l’encourage à explorer davantage l’histoire de sa famille.
Bien que le lien avec des ancêtres spécifiques reste à établir, pour Jean-David Lily, chaque individu présent sur le navire représente un ancêtre. "Les voir pour la première fois suscite beaucoup d'émotion", dit-il.
En 2025, les bustes seront exposés pendant cinq ans au Musée intercontinental de l'esclavage de Port-Louis, sur l'île Maurice. "Ces bustes, considérés comme des reliques, sont des témoignages précieux", conclut Klara Boyer-Rossol.