L’envoyé américain au Soudan rencontre le chef de l’armée Abdel Fattah al-Burhan, alors que le général étoffe son équipe de lobbyistes à Washington en prévision de l’arrivée de Donald Trump à la présidence.
Le 20 novembre 2024, l’envoyé spécial des États-Unis pour le Soudan, Tom Perriello, a effectué sa première visite à Port-Soudan, un déplacement important au regard de la situation complexe qui frappe le pays depuis le début de la guerre en avril 2023. Alors que le Soudan traverse une crise humanitaire sans précédent, l’objectif de ce déplacement était clair : obtenir des engagements pour une augmentation de l’aide humanitaire destinée aux millions de personnes dans le besoin et promouvoir la fin d’une guerre qui déchire le pays.
Cette visite survient dans un contexte diplomatique tendu, alors que le général Abdel Fattah al-Burhan, chef de l'armée soudanaise, intensifie ses efforts pour renforcer son réseau de soutien à Washington, alors que l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine se profile dans deux mois.
Le Soudan est plongé dans une guerre civile dévastatrice, née d’une lutte de pouvoir entre les forces armées et les paramilitaires de soutien rapide (RSF), une guerre qui a profondément déstabilisé la région et provoqué une crise humanitaire à grande échelle. Selon les Nations Unies, plus de 25 millions de personnes, soit près de la moitié de la population soudanaise, sont désormais dépendantes d’une aide internationale, tandis que plus de 11 millions de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers. La famine sévit dans de nombreuses régions, exacerbée par la destruction des infrastructures et la déstabilisation du tissu social.
Lors de sa visite, Perriello a rencontré Burhan, ainsi que des responsables humanitaires, gouvernementaux et tribaux, afin de discuter des moyens de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et des perspectives politiques pour mettre un terme au conflit. Le conseil souverain du Soudan a qualifié la réunion de « longue, complète et franche ». Au cours de cet entretien, l’envoyé américain a exposé plusieurs propositions que le général Burhan a acceptées, bien que des divergences demeurent quant à l’issue politique du conflit. En effet, la guerre qui ravage le pays n’est pas seulement une question militaire, mais aussi une bataille pour la transition vers un régime civil, un objectif sur lequel les parties prenantes peinent à s’entendre.
Malgré les tentatives de médiation menées en début d’année à Genève, les négociations n’ont pas abouti à un cessez-le-feu. L’armée, dirigée par Burhan, avait refusé de participer aux discussions, et les pourparlers n’ont pas permis d’avancer vers un véritable accord de paix. Toutefois, les deux camps ont accepté d’améliorer l’accès à l’aide humanitaire, une première victoire qui reste fragile dans le contexte actuel. L’enjeu est désormais de parvenir à un cessez-le-feu durable, condition sine qua non pour toute reconstruction politique et sociale.
Tom Perriello a insisté sur l’importance de cesser les combats et de permettre un accès humanitaire sans entrave, notamment en organisant des pauses localisées dans les zones de conflit pour faciliter l’acheminement des secours d’urgence. Il a souligné que les États-Unis poursuivront leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu global, mais qu’en attendant, l’expansion de l’aide humanitaire représentait une priorité absolue. Cette approche pragmatique s’accompagne d’un appel à la création de corridors humanitaires dans les régions les plus affectées par les combats, notamment à al-Fashir, Sennar et dans certaines parties de la capitale Khartoum.
Le conseil souverain soudanais a annoncé, la semaine dernière, qu’il prorogerait l’ouverture temporaire du poste frontalier d’Adre avec le Tchad, un point de passage stratégique pour les secours humanitaires. Cette ouverture permet aux agences internationales d’acheminer des vivres et d’autres fournitures essentielles vers les régions du Darfour et du Kordofan, dont les populations sont menacées par la famine. La décision a été saluée par les organisations humanitaires, mais la situation reste préoccupante, avec de nombreuses zones encore isolées du reste du pays en raison de la violence persistante.
Préparer l’arrivée de Donald Trump
Conscient de l’importance de maintenir le soutien international, particulièrement de Washington, s’efforce de renforcer son réseau de lobbyistes à Washington, en prévision de l’arrivée imminente de Donald Trump à la Maison Blanche. Bien que la guerre au Soudan ait pris une tournure imprévisible, le général cherche à influer sur la politique américaine en faveur de ses intérêts. L’arrivée de Trump, dont la politique étrangère pourrait privilégier une approche plus pragmatique et directe, pourrait offrir à Burhan une nouvelle opportunité pour garantir le soutien des États-Unis, dans un contexte où la pression internationale pour mettre fin au conflit s’intensifie.
L’équipe de Burhan à Washington se compose désormais de plusieurs lobbyistes influents, qui cherchent à défendre ses positions auprès des législateurs américains et à peser sur la politique étrangère de l’administration Trump. Dans le même temps, le Soudan continue de chercher des alliés dans la communauté internationale, tout en étant confronté à l’impératif de mettre fin à une guerre qui menace la stabilité de la région entière. Les États-Unis, pour leur part, restent vigilants et déterminés à faire pression sur les parties en conflit pour favoriser une issue pacifique, mais ils savent que les enjeux géopolitiques dépassent largement les frontières du Soudan.
La situation au Soudan, marquée par un bouleversement politique et humanitaire sans précédent, continue de susciter de vives préoccupations à l’échelle internationale. L’avenir du pays dépendra non seulement des efforts diplomatiques et humanitaires, mais aussi des dynamiques politiques en jeu, notamment dans le cadre de l’évolution des relations entre Washington et Khartoum, sous la future administration Trump.