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Secrets d’État

Tchad : Fin de l’accord de coopération militaire avec la France

Tchad-France : Un adieu ou un au-revoir ?
Tchad-France : Un adieu ou un au-revoir ?
Mamadou Ousmane
29/11/2024 à 10:05 , Mis à jour le 29/11/2024

Une annonce inattendue vient bouleverser l'échiquier géopolitique au Sahel : le Tchad met un terme à son accord de défense avec la France. Ce revirement, officiellement présenté comme une décision souveraine, soulève de nombreuses interrogations quant aux véritables motivations du gouvernement de N'Djamena.

 Est-ce une réponse à des pressions de nouveaux partenaires stratégiques ? Une volonté de marquer son indépendance face à une influence française souvent critiquée ? Ou s'agit-il, comme le prétend le porte-parole du gouvernement, Mahamat Koulamalah, d'une « décision mûrement réfléchie », destinée à affirmer la souveraineté tchadienne dans ses politiques de défense et de sécurité ? 

Dans un communiqué officiel, le gouvernement tchadien a annoncé ce jour la fin de l’accord de coopération militaire avec la France, mettant ainsi un terme à 66 ans de partenariat sécuritaire.

Depuis des décennies, les relations entre le Tchad et la France s’inscrivaient dans une dynamique de coopération militaire étroite. Paris a joué un rôle déterminant dans le soutien logistique et opérationnel du Tchad, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Sahel. Cette collaboration, bien que parfois contestée par des voix critiques dénonçant une forme de néocolonialisme, avait contribué à renforcer la stabilité régionale. L’opération Barkhane, puis sa transition vers une stratégie plus flexible, illustre l'importance de ce partenariat dans la région. 

La fin de cet accord marque donc un tournant majeur, posant des questions fondamentales sur l’avenir de la défense tchadienne. En l'absence de ce soutien militaire, comment le Tchad entend-il gérer les défis sécuritaires qui l’assaillent, notamment la menace persistante des groupes armés dans la bande sahélo-saharienne ? 

Cette rupture survient dans un contexte politique complexe. Le gouvernement tchadien, critiqué tant au niveau national qu’international pour sa légitimité, pourrait chercher à renforcer son image auprès de l’opinion publique en adoptant une posture plus souverainiste. Une telle démarche viserait à répondre aux aspirations d’une population lassée des accords perçus comme inégaux avec l'ancienne puissance coloniale. 

Cependant, certains analystes estiment que cette décision pourrait également être dictée par des influences extérieures. Ces dernières années, le Tchad a montré un intérêt croissant pour diversifier ses alliances internationales, notamment en se rapprochant d’acteurs comme la Russie, la Chine ou encore certains pays du Golfe. Ces nouveaux partenaires, souvent critiques à l’égard de l’hégémonie occidentale en Afrique, pourraient avoir incité N'Djamena à redéfinir ses priorités géopolitiques. 

Le départ de la France laisse un vide qu’il faudra combler rapidement. Sur le plan militaire, l'absence du soutien logistique et opérationnel de Paris risque de mettre à rude épreuve les forces armées tchadiennes, déjà confrontées à une multiplicité de fronts. La capacité du gouvernement à élaborer une stratégie autonome ou à trouver de nouveaux alliés sera déterminante pour maintenir la sécurité nationale. 

Sur le plan diplomatique, ce choix pourrait affecter les relations du Tchad avec d’autres partenaires occidentaux, qui s'appuyaient souvent sur la France comme intermédiaire dans leurs interactions avec N’Djamena. Le Tchad prend ainsi le risque de s’isoler de certains réseaux de coopération internationaux, au moment où la situation sécuritaire régionale exige une collaboration renforcée. 

Un pari risqué, selon la France

Dans un Sahel fragilisé par des crises multidimensionnelles – insécurité chronique, instabilité politique et pressions socio-économiques – la décision du Tchad apparaît comme un pari audacieux, selon certains analystes. Si le gouvernement parvient à transformer cette rupture en opportunité pour consolider sa souveraineté, le pays pourrait émerger comme un acteur plus indépendant sur la scène africaine. À l’inverse, une mauvaise gestion de cette transition pourrait exacerber les fragilités internes et compromettre sa stabilité. 

Dans les semaines à venir, tous les regards seront tournés vers N'Djamena, qui devra démontrer que cette décision ne repose pas uniquement sur des motivations symboliques, mais bien sur une vision stratégique claire et ambitieuse pour l’avenir du Tchad.