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Kenya. Une Fashion Week pas comme les autres

David Avido
David Avido
Mamado Ousmanne avec AFP
19/10/2023 à 10:25 , Mis à jour le 19/10/2023
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C’est sur les toits de tôle rouillée du bidonville de Kibera, au cœur de Nairobi, qu’ont été présentées les collections de la Kibera Fashion Week. Une initiative du célèbre designer kenyan David Ochieng, Avido pour les intimes, qui affirme dédier son défilé à son Kibera natal et à ses habitants.

Les tenues signées David Ochieng, alias Avido, sont fabriquées à Kibera, le plus grand bidonville du Kenya. Elles ont fait le tour du monde, attirant l'attention de Bruno Mars, Beyoncé et du magazine Vogue. Mais pour Avido, les créations ont une finalité: révéler et développer son ghetto natal.

C'est dans ce but que le designer de 27 ans a lancé la Kibera Fashion Week, dont la deuxième édition s'est tenue samedi au coeur du principal bidonville de Nairobi, l'un des plus grands d'Afrique.

Il a fait de sa trajectoire l'une de ses devises: "De grandes choses peuvent venir d'endroits où l'on s'y attend le moins". 

Cet aîné d'une famille de quatre enfants élevés par une mère célibataire n'avait jamais pensé faire une carrière dans ce milieu.

"Ce qui m'a poussé dans la mode, c'est de trouver un alibi pour me maintenir en vie", explique de sa voix grave Avido, de son vrai nom David Ochieng. "60% à 70% de mes amis (de jeunesse) sont morts" dans des crimes ou tués par la drogue, estime-t-il.

Contraint de quitter l'école à l'âge de 11 ans, faute de moyens, il a tenté de gagner sa vie et éviter la délinquance. D'abord par le football, puis en travaillant sur des chantiers, avant de rejoindre un groupe de danse.

Il s'est mis à dessiner des tenues pour le groupe. "J'ai commencé à passer du temps chez les tailleurs qui fabriquaient les vêtements avec lesquels nous dansions", raconte-t-il. "J'ai appris à coudre sans le savoir".

Il a ensuite suivi une formation de mode. "Il était vraiment motivé. (...) C'est un fonceur", se souvient Japheth Okoth, employé d'une ONG qui l'a hébergé et aidé à obtenir sa première machine à coudre. 

"Dès qu'il a eu cette machine, il s'est mis à dessiner des vêtements, confectionner des chemises", ajoute-t-il.

Une de ses chemises le fera remarquer l'année suivante, en 2017, par le chanteur Don Carlos, figure du reggae et fondateur du groupe Black Uhuru, de passage à Kibera en marge d'un concert. Avido lui en offre une.

Cette rencontre le convainc de se consacrer à la mode. 

Avec sa marque "Lookslike Avido", il développe un style coloré, unisexe, mêlant motifs et textures divers, notamment le tissu ankara - également connu sous le nom de wax - et le velours que l'on retrouve sur ses kimonos et blousons bombers.

Son inspiration ne vient pas des podiums de New York, Paris ou Milan mais des rues de Kibera. "Ici, on a tout. Quand on parle de mode d'avant-garde, officielle, tout ça est dans la rue", explique celui qui se définit comme un "street designer".

Un de ses produits signature vient toutefois de la campagne kényane: un panier conique tressé par sa grand-mère, qu'il a renversé et porté en chapeau un jour de pluie. 

Son style a attiré l'oeil de Bruno Mars, du rappeur Ty Dolla Sign, du chanteur de reggae Chronixx, du leader du groupe Coldplay Chris Martin ou de Beyoncé, qui l'a sollicité avec d'autres créateurs africains pour son projet "Black is King".

Il a exposé ses créations durant la Fashion Week de Berlin en 2019.