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Polémique : La Banque africaine des hydrocarbures controversée

Difficile de parler d'un banque d'hydrocarbure quand le monde parle écologie
Difficile de parler d'un banque d'hydrocarbure quand le monde parle écologie
Mamadou Ousmane
21/11/2024 à 13:03 , Mis à jour le 23/11/2024

La création de la Banque africaine des hydrocarbures pose un dilemme stratégique pour l’Afrique : comment concilier la nécessité d'exploiter les ressources naturelles du continent pour financer son développement, tout en s’inscrivant dans une dynamique mondiale de transition énergétique ?

La Banque africaine des hydrocarbures (AEB), projet phare de l'Organisation des producteurs africains de pétrole (APPO), doit voir le jour à Abuja, capitale du Nigéria, au premier trimestre 2025. Forte d’un budget initial de 5 milliards de dollars, cette institution se veut un pilier stratégique pour combler les déficits de financement dans l’industrie pétrolière et gazière sur le continent. Cependant, son lancement est entouré de controverses, tournant entre ambitions économiques et critiques environnementales. 

Portée par le Nigéria, la Banque africaine des hydrocarbures reflète la volonté des 18 membres de l’APPO de consolider leur influence énergétique face à une transition mondiale marquée par l’abandon progressif des énergies fossiles. Nicholas Agbo Ella, ambassadeur nigérian auprès de l’APPO, a souligné lors d’une réunion à Yaoundé, au Cameroun, que l’AEB « offrirait une plateforme essentielle pour mobiliser des investissements dans des projets pétroliers et gaziers indispensables à la croissance économique africaine ». 

Le Nigéria, principal moteur de l’initiative, s’est déjà engagé à hauteur de près de 70 millions de dollars pour financer la création de la banque. La contribution du pays, ainsi que sa ratification des accords nécessaires, témoigne de son engagement à faire d’Abuja le siège de cette institution stratégique. 

Cependant, les capitales africaines peinent à débloquer les fonds promis. À ce jour, seuls 50 % des investissements nécessaires ont été réunis, selon le Secrétaire général de l’APPO, Dr Omar Farouk Ibrahim. Ce déficit de financement reflète un scepticisme persistant au sein des pays membres et des investisseurs internationaux quant à la viabilité économique et environnementale d’une telle banque. 

Projet contesté

La Banque africaine des hydrocarbures se retrouve au cœur de vifs débats sur son impact environnemental. Alors que le monde entier se tourne vers les énergies renouvelables pour limiter le réchauffement climatique, l’AEB s’inscrit dans une logique inverse, celle de renforcer l’exploitation des énergies fossiles. Cette orientation suscite des critiques d’organisations environnementales et de certains experts, qui pointent du doigt le risque de marginalisation de l’Afrique dans la transition énergétique mondiale. 

« Investir dans le pétrole et le gaz à l’heure où le monde abandonne progressivement ces ressources, c’est parier sur un modèle dépassé », estime une analyste en énergie basée à Johannesburg. Elle ajoute : « L’AEB pourrait aggraver la dépendance des économies africaines aux hydrocarbures, retardant ainsi leur adaptation à une économie plus verte. » 

Les défenseurs de l’AEB, à l’instar de l’ambassadeur Ella, rétorquent que les hydrocarbures restent essentiels pour répondre aux besoins énergétiques de millions d’Africains et financer leur développement économique. Pour eux, l’AEB pourrait être une solution temporaire permettant de mobiliser des ressources pour financer des infrastructures et réduire la pauvreté énergétique, tout en préparant une transition énergétique à long terme. 

Concurrence géopolitique

Le choix d’Abuja comme siège de la Banque africaine des hydrocarbures résulte d’une compétition intense entre plusieurs pays membres, notamment le Ghana, l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Bénin. Cette décision, officialisée en juillet 2024, symbolise le poids géopolitique du Nigéria au sein de l’APPO. 

Cependant, ce positionnement exacerbe également les tensions régionales. Certains membres, tels que l’Afrique du Sud, expriment leur mécontentement face à ce qu’ils perçoivent comme une domination nigériane sur les initiatives stratégiques de l’organisation. 

En outre, l’implication d’acteurs extérieurs comme l’Afreximbank, actionnaire prioritaire de l’AEB, alimente les inquiétudes sur une potentielle dépendance accrue des États africains envers les institutions financières internationales. 

Pour ses partisans, la Banque représente un outil indispensable pour pallier le sous-financement chronique des projets énergétiques en Afrique, où l'accès à l'énergie reste un défi majeur. Toutefois, les critiques soulignent que l’approche actuelle risque de freiner les efforts africains vers un développement durable, en maintenant le continent dans une dépendance aux énergies fossiles. 

La date symbolique du 28 janvier 2025, marquant également le 38e anniversaire de l’APPO, vise à renforcer la portée symbolique du lancement de la Banque. Néanmoins, les défis logistiques, financiers et politiques demeurent importants. 

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