En conseil des ministres ce 18 décembre 2024, le gouvernement burkinabè a validé un projet de loi controversé portant amnistie pour les personnes condamnées dans le cadre du coup d’État manqué des 15 et 16 septembre 2015. Cette décision, qui suscite débats dans l’opinion publique, s’inscrit dans une stratégie visant à réconcilier la nation tout en renforçant l’engagement de ses forces armées dans la lutte contre le terrorisme.
Lors d’une conférence de presse tenue à l’issue du conseil des ministres, Edasso Rodrigue Bayala, ministre de la Justice et des Droits humains, a précisé les contours de cette loi. Selon lui, « l’amnistie annule totalement les condamnations, contrairement à la grâce présidentielle qui suspend uniquement l’exécution des peines. Elle efface toute trace de condamnation dans la carrière et le casier judiciaire des bénéficiaires », a-t-il expliqué. Cette mesure permettra ainsi aux soldats concernés de retrouver pleinement leurs droits civils et professionnels.
Le gouvernement du Faso justifie cette initiative par un double objectif. D’une part, il s’agit de favoriser la réintégration des militaires impliqués dans cette tentative de coup d’État, dont les carrières ont été bloquées par des poursuites judiciaires. D’autre part, cette loi entend stimuler leur patriotisme en leur permettant de contribuer activement à la lutte contre le terrorisme, un enjeu crucial pour le Burkina Faso, confronté à une menace jihadiste persistante. Selon les autorités, seuls les individus ayant démontré un engagement réel dans les efforts de sécurité nationale pourront prétendre à cette amnistie.
Un décret d’application est attendu pour déterminer les critères d’éligibilité et la liste des bénéficiaires. Ce processus sera supervisé par un comité spécifique, chargé d’évaluer les dossiers et de vérifier l’absence d’implications graves dans des actes contraires à l’éthique militaire ou aux droits humains.
Pour rappel, le putsch manqué des 15 et 16 septembre 2015, orchestré par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), avait plongé le pays dans une crise politique majeure. Le coup d’État, destiné à renverser les autorités de transition mises en place après la chute de Blaise Compaoré, avait échoué sous la pression des forces armées loyales au gouvernement et des mobilisations populaires.
En 2019, le Tribunal militaire de Ouagadougou avait condamné plus de 80 personnes, parmi lesquelles des militaires et des responsables politiques, pour atteinte à la sûreté de l’État. Ces verdicts avaient été salués par une partie de la population comme une avancée en matière de justice, mais ils avaient également suscité des tensions dans un contexte d’instabilité.
L’annonce de ce projet de loi suscite des réactions mitigées. Si certains saluent une mesure pragmatique pour consolider l’unité nationale, d’autres y voient une remise en cause des principes de justice. Les organisations de la société civile, en particulier, expriment des inquiétudes quant à l’impunité que pourrait engendrer cette amnistie.
« Cette loi risque d’établir un précédent dangereux, où les crimes contre l’État seraient pardonnés au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Cela pourrait affaiblir la démocratie et encourager de futures tentatives de coup d’État », avertit un activiste des droits humains.
Le projet de loi sera prochainement soumis au Parlement pour débat et adoption. Sa validation dépendra des négociations entre les différentes forces politiques représentées, dans un contexte où la stabilité nationale demeure une priorité impérieuse. L’équilibre entre justice, réconciliation et sécurité sera au cœur des discussions.